Glandes gnathocoxales et leur dimorphisme sexuel ANATOMIE ET COMPORTEMENT DES ARAIGNEES : VINGT-CINQ ANS DE RECHERCHES (Version 2023)
par André Lopez ,
auteur
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Les glandes gnathocoxales, qualifiées aussi de glandes salivaires, sont des organes sécréteurs péri-buccaux situés dans les gnathocoxae ou lames maxillaires des Araignées et ne devant pas être confondues avec les glandes péribuccales. Elles tirent un grand intérêt de la fréquence de leur dimorphisme sexuel remarquable. |
Couleurs
conventionnelles :
En noir et italiques, termes anatomiques ; en violet,,
noms
génériques et spécifiques ; en vert, noms de
familles, sous-familles et groupes de rangs plus élevés ;
en orange,, parties
les plus importantes
et résumés ; en bleu, liens divers.
Abréviations conventionnelles : M.E.B. : (photographie en) microscopie électronique à balayage M.E.T. :
(photographie en) microscopie
électronique à transmission
C.H. : coupe histologique (microscopie photonique) |
1 -
Introduction
2 - Histologie
2.a.- Localisation et
rapports
2.a.1.-Araneidae
2.a.2.-Linyphiidae
2.a.3.-Leptonetidae
Les pédipalpes
(palpes)
d’Araignées sont des appendices
prosomatiques
très importants différenciés chez le mâle
en
organes
d’accouplement .
Leur hanche ou coxa est insérée sur
le
côté de la lèvre
inférieure (labium)
et
limite donc la bouche et ses
glandes
latéralement. Chez les Liphistiomorphes
et beaucoup de
Mygalomorphes, elle ne
diffère de
celle des pattes ambulatoires
que
par une brosse
de poils utilisée pour
la
filtration des aliments. En revanche, chez
d’autres Mygalomorphes,
elle
présente une nette protubérance antéro-interne qui
s’individualise en lame maxillaire
dans le cas des
Aranéomorphes. Cette
gnathocoxa (gnathocoxe)
a une forme
et un développement
variables, peut devenir beaucoup plus volumineuse que la hanche
elle-même et
présente un bord interne aminci dont la brosse de poils est
appelée scopula (Fig.1).
Son sommet porte une serrula,
carène denticulée et tranchante Ces
différenciations permettent à l’ Araignée de
déchirer et mastiquer ses proies, d’où son autre nom de
«patte-machoire»
donné au pédipalpe.
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Fig.1.- Araneomorphe, vue ventrale des gnathocoxae (G) avec leur scopula (S) . C, crochet et T, tige des chélicères - B, orifice buccal - H, hanche ou coxa du palpe - L, labium (© A.Lopez M.E.B.). |
Les lames maxillaires contiennent
des glandes dites gnathocoxales
ou «salivaires»
découvertes par Campbell (1881) et
ne devant pas être
confondues avec les glandes
péri-buccales maxillaires
en « coussinet ».
Il était communément admis
que leur nombre et leur importance varient selon les familles, qu’elles
ont une structure uniforme considérée comme
« acineuse » par Millot
(1968) et qu’elles
présentent tout au plus des variations numériques entre
le mâle et la femelle (Legendre, 1953).
En fait, les glandes gnathocoxales (maxillaires ou "salivaires") de certaines Araignées présentent un dimorphisme sexuel remarquable. L'auteur l'a découvert en 1972 par coupes histologiques chez un mâle d’Araniella cucurbitina (Clerck) photographié sur le terrain avant sa capture, près de La Liquière (Laurens, Hérault, Occitanie) (Lopez,1977a, p. 37) (Fig.2, à droite). Il l'a signalé ultérieurement chez d'autres Araneinae, chez des Linyphiidae (Lopez,1974a) et retrouvé ensuite dans plusieurs genres de ces mêmes familles, dont Leptyphantes (Lopez,1978a) ainsi que chez les Leptonetidae (Lopez,1986b).
Fig.
2.- Araniella cucurbitina
: femelle, à gauche (vue latéroventrale) et mâle
"historique"(vue dorsale), à droite. D'après de vieilles diapositives (© A.Lopez) |
Ce dimorphisme
est
lié à la
présence, chez le seul mâle, de glandes
particulières qui siègent
dans la gnathocoxa
avec les glandes salivaires classiques qu’elles entourent.
Elles peuvent y rester
confinées ou la déborder pour s’engager plus ou
moins largement dans le prosoma, ont une structure acinoïde et
renferment, dans leurs adénocytes, des grains de
sécrétion que
l’éosine colore intensément, d’où le nom de
«glandes
à grains
éosinophiles»
qui
leur a été attribué initialement (Lopez,1974a) avant d’être
remplacé,
faute
de mieux, par l’appellation de «glandes
sexuelles» (Lopez,1977a).
Les recherches d’histologie
ci-après ont
porté
sur un vaste «éventail » spécifique d’Araneidae (Lopez,1977a
; Lopez,1986a), Linyphiidae (Linyphiinae, Erigoninae)(Lopez,1977a ;
Lopez,1990) et Leptonetidae
(Lopez,1978a ;
Lopez,1978b ;
Lopez,1980), dont Leptoneta
infuscata minos (Fig.3).
Fig.3.- Leptoneta
infuscata minos, femelle : irisations à la
lumière. Grotte du Minervois (Hérault).
D'après une
diapositive (© A.Lopez)
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D'après une
diapositive (© A.Lopez)
|
2.a.1- Chez les Araneidae,
la sous-famille des Araneinae semble offrir
seule un dimorphisme
sexuel : Araniella cucurbitina (Fig.5), Araneus quadratus, Nuctenea cornuta et sclopetaria,
Aculepeira ceropegia (Fig.6) et
annulipes , Cyclosa conica et
caroli, Zygiella
X-notata,
Kaira alba (Fig.7), Wixia ectypa, Micrathena schreibersi (Lopez,1977a
; Lopez,1986b ; Lopez,1990).
Les glandes
«sexuelles» mâles y occupent une
grande partie de la lame
maxillaire mais
n’en débordent pratiquement pas (Fig.5 à 7).
Ainsi
sont-elles baignées en totalité par son sinus
hémolymphatique tout comme les glandes
« classiques » ou banales des femelles d’Araneinae quelle qu’en soit l’espèce et toutes proportions
corporelles gardées (Fig.6). Fait capital, ces
mêmes genres à dimorphisme gnathocoxal ont
un palpe
dont le style est
dépourvu de coiffe embolique ou
ne se rompt pas lors de
la copulation
(Lopez,1977a
; Lopez,1986a). En revanche,
les
mâles d’Araneinae sans glandes
sexuelles
possèdent dans leur
pédipalpe une coiffe
ou
du
moins,
un embolus qui subit une
rupture apicale in copula (Araneus, Neoscona, Nemoscolus, Metepeira) et
constitue un obturateur
structuré.
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Fig. 5.- Araniella cucurbitina, mâle de la
Fig.2. |
Fig.6.- Aculepeira ceropegia, mâle |
Fig.7.- Kaira alba, mâle |
Coupes
longitudinales de gnathocoxae: Ch,
chélicère - E, glande gnathocoxale épidermique -
Gc, glandes "classiques" - Gs, glandes "sexuelles" - M, muscle. (C.H.© A.Lopez) |
2.a.2-
Chez
les Linyphiinae et
les Erigoninae, deux
sous-familles bien
séparées au sein des Linyphiidae, les glandes
"sexuelles" mâles débordent en
revanche largement des
gnathocoxae alors que les glandes "classiques" y restent
confinées (genres
Linyphia,
Leptyphantes,
Tapinopa,
Pityohyphantes,
Erigone,
Styloctetor,Grammonota,
Moebellia,
Wideria, Hypomma :
Lopez,1977a ; Lopez,1990)(Fig.8,9).
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Fig.8.-
Linyphia triangularis,
mâle
: coupe parasagittale du prosoma. |
Fig.9.-
Moebellia penicillata,
mâle : coupe parasagittale du prosoma. |
Ch,
chélicère - Gc, glandes
"classiques" - Gn, gnathocoxa
- Gs,
glandes "sexuelles" - M,
muscle - N, cerveau - Tr, tissu
réticulé - V, glande à venin. (C.H.© A.Lopez) |
Elles semblent
«envahir» littéralement l’interstitium du céphalothorax
(prosoma) et y
deviennent en quelque sorte «ectopiques», parfois à
un tel degré que leurs canaux
excréteurs restent
seuls en place dans la lame
maxillaire avec les glandes
«classiques».
Les glandes "sexuelles"
mâles constituent
schématiquement trois groupes « acineux »
de localisations différentes.
► Un groupe
antéro-inférieur, intra-gnathocoxal, correspond à celles
qui sont
demeurées en place dans la gnathocoxa
et y entourent les glandes
"classiques".
► Un groupe postérieur,
rétro-pharyngien et sous-neural, s'interpose entre
l'épiderme ("hypoderme") ventral et la face
inférieure des ganglions
nerveux thoraciques
sous-oesophagiens
(Fig.8,9).
Il entre aussi en rapport avec des néphrocytes,
les glandes coxales, des glandes segmentaires
rétro-gnathocoxales, du tissu
réticulé
("organe antérieur" de Legendre,1959) et peut atteindre un
volume considérable, jusqu’à 500 µm de long chez le
mâle minuscule de l' Erigonine
Styloctetor
penicillatus (1,7 mm.) !
► Un
groupe supérieur, précérébral, coiffe
les ganglions sus-oesophagiens,
encadre la cavité buccale
et s'insinue sous les glandes
à venin. De plus, il s'engage
fréquemment dans l'interstitium
du rostre, parait s'y
"incarcérer" en rapport plus ou moins direct avec du tissu
réticulé, la glande rostrale,
l'endosternite et divers
faisceaux musculaires (Fig.10,
11).
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Fig.10.- Leptyphantes sanctivincentii, mâle
: coupes histologiques sagittale et frontale du rostre |
Fig.11.- Wideria antiqua, coupe frontale du rostre |
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Gc, glandes "classiques" - Gr, glande
rostrale - Gn, gnathocoxa - Gs, glandes "sexuelles" - M, muscles -
R,
rostre et muscles transversaux - V, glandes
à
venin (C.H.© A.Lopez) |
Une
telle
« incarcération » ou
pénétration rostrale peut d’ailleurs
s’observer dans le
cas des diverticules
intestinaux prosomatiques (Eresidae
; Hersiliidae :
Lopez,1984) et de certaines glandes à venin (Filistata,
Pholcidae ; Diguetidae : Lopez,1983).
En ce qui concerne à nouveau les Erigoninae, il se pourrait
que les "glandes sexuelles" de
certains mâles soient discernables non dans des coupes
histologiques totalement absentes (Note 1) mais dans les
étranges
clichés tomographiques (X-ray micro-computed tomography) obtenus
par Shou-Wang
& al. (2021) en quête des "gustatory
glands" de ces "Araignées naines" ("Dwarf Spiders"),
ces auteurs ne faisant d'ailleurs aucune
allusion aux gnathocoxales.
Enfin, tous les mâles d' Erigonines ne possèdent pas les
deux types de glandes. Tel est le cas de la spectaculaire Walckenaera
acuminata avec son extraordinaire
"périscope" céphalothoracique car ses gnathocoxes ne
renferment que les seules glandes "classiques" (fig. ).
2.a.3-Dans
le cas des Leptonetidae,
à côté
des glandes classiques, seules
présentes
chez les femelles (Fig.10), les glandes
«sexuelles» mâles occupent la partie
proximale de la gnathocoxe et
pénètrent également dans le céphalothorax (Fig.11). Elles
y
contractent des rapports de contiguïté presque aussi
étendus que ceux des Araneidae
et Linyphiidae avec le rostre et sa glande, le pharynx, les glandes venimeuses, la partie
antérieure
du syncerebron et la masse ganglionnaire sous-oesophagienne (Fig.11).
Elles ont été découvertes chez Leptoneta
infuscata minos (Avant-monts, Montagne
noire,
ouest de l’Hérault,34 : Lopez,1977b)(Fig.3), décrites ensuite chez Leptoneta
microphthalma (Lopez,1978b)
(Fig.4) et retrouvées
enfin dans les cas d'autres 11 espèces et sous-espèces
(France, Espagne) ainsi
que dans le genre Paraleptoneta
(P.bellesi Ribera & Lopez)(Lopez,1982).
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Fig.
10.- Leptoneta infuscata, femelle
: coupe parasagittale du prosoma |
Fig.
11.- Leptoneta fagei, mâle :
coupe parasagittale du prosoma |
Ch,
chélicères - G, gnathocoxa - Gc, glandes
"classiques" - D, canaux et leurs cellules - Gs, ;glandes "sexuelles"
- M, muscles - N,
Syncérébron et ganglions (C.H.© A.Lopez) |
2.2- Structure histologique
2.2.1- Glandes « classiques »
Les glandes
« salivaires » classiques de la femelle et du mâle
occupent une position surtout centrale dans la gnathocoxe des Araneidae et plutôt distale dans celle des Leptonetidae. Elles sont bien différentes des glandes péribuccales épidermiques
en "coussinet".
De plus, elles sont remarquablement moins
nombreuses que les sexuelles dans
toutes les familles (6 en moyenne chez les femelles et 3 chez les
mâles).
Chacune d’elles est formée
par un corps glandulaire et un canal excréteur qui semble le pédiculiser, structure
générale décrite par Legendre (1953) dans le cas
des Tégénaires.
2.2.1.a -Le corps a une forme globuleuse
(diamètre
moyen = 100 µ), évoquant ainsi un acinus et, de ce fait, acinoïde. Il
se compose d’adénocytes et d’une cellule
intermédiaire. Les
adénocytes sont allongés et se disposent
radiairement en assise unique autour d’une cavité axiale peu
visible. Leur noyau basal est volumineux, arrondi et nettemnt
nucléolé. Le cytoplasme abondant paraît criblé de vacuoles que séparent
des travées à basophilie diffuse,
se colorant en outre par la pyronine (Fig. ) et lui conférant un
aspect spongieux (Fig.13). La cellule
intermédiaire se
présente comme un vague liseré frangé
séparant la cavité des pôles
apicaux adénocytaires. Elle n’est repérable qu’à son noyau clair,
visible au niveau de collet.
2.2.1.b -Le canal excréteur, surtout visible en section
transversale, unit le corps glandulaire à un orifice (pore) de la cuticule. Il est plus ou moins oblique,
court, assez large, bien délimité et montre une
paroi épaisse, acidophile, que flanque le noyau aplati, peu chromatique, d’une cellule satellite. ou canalaire. Dans chaque gnathocoxe, l’ensemble des canaux de glandes classiques converge vers sa face interne,
près de la scopula ; leurs orifices s’y groupent en aire (plage) poreuse ou «criblée» (Fig.14).
2.2.2- Glandes « sexuelles »
Comme les précédentes,
chacune d’elles est formée par un
corps glandulaire et un canal excréteur qui semble également le pédiculiser.
2.2.2.a
-Le corps glandulaire est
plus volumineux, plus allongé que celui des glandes « classiques »
(l = 50 à 100 µm ; L = 130 à 250 µm), de
forme oblongue surtout marquée chez les Leptonetidae (Fig.13) et présente
ainsi un aspect tubulo-acinoïde (Fig.14). Il est encore constitué
par des adénocytes reposant
sur une basale et par une cellule
intermédiaire repérable
à son seul noyau visible près du collet .Les adénocytes sont pyramidaux et convergent vers une lumière
axiale étroite, presque virtuelle chez les Leptonetidae,
contenant parfois un matériel sécrétoire qui peut la distendre.
Chez les Araneidae et les Linyphiidae, leur cytoplasme
est souvent empli jusqu’à l’apex par des sphérules acidophiles, grains de
sécrétion arrondis
colorés par l’éosine en un
rouge brillant intense ayant valu aux glandes sexuelles leur appellation
initiale (Lopez,1974a)
(Fig.16). Ces grains captent également le bleu d’aniline mais
ne se teintent qu’en rose pâle par la méthode à
l’A.P.S. Le cytoplasme n’est basophile que dans sa partie la plus
externe où apparaît une faible affinité pour la
pyronine (méthode dite de Unna-Pappenheim) (Fig. 17)..Il est
fréquent aussi qu’ils s’évacuent des adénocytes pour passer dans la cavité centrale et disparaître presque totalement du corps tubulo-acinoïde. Les cytoplasmes ainsi «déshabités»
sont clairs, vacuolisés et offrent un aspect banal, plus proche de
celui des glandes «classiques».
Dans le cas des Leptoneta (Leptonetidae), les glandes sexuelles réunies en groupe proximal, ont un corps allongé en
« massue », situé en quasi-totalité
dans le prosoma.
Le cytoplasme de ses adénocytes, faiblement colorable, ne contient
jamais de grains acidophiles mais
est criblé de vacuoles innombrables,
assez régulières,
sans sécrétion bien visible, lui conférant un
aspect spumeux. Le noyau est petit
(6 µm), rond, avec des blocs
chromatiniens et un nucléole (Fig.18). Une cellule
intermédiaire, d’abord
interprétée à tort comme
la partie inférieure de la cellule
satellite du canal (Lopez,
1978b) s’interpose entre cette dernière et les adénocytes. Elle a un cytoplasme
clair et un noyau
vésiculeux, à nucléole très
apparent.
2.2.2.b - Les canaux excréteurs sexuels des Araneidae, sont brefs, acidophiles,
d’à peu près la même longuer que leurs homologues classiques et jamais ramifiés. En
revanche, ceux des Linyphiidae sont
beaucoup plus spectaculaires. Longs et grêles (d. moyen = 2
µm), ils tendent à se grouper en deux
faisceaux, l’un horizontal et
dirigé dans le sens postéro-antérieur (Fig. ), l’autre descendant, oblique en bas et en
dedans vers la gnathocoxa. Ils peuvent aussi se fusionner en troncs communs
chitineux de teinte jaunâtre, leur disposition
générale étant alors arborescente comme dans
certaines formes de la glande
acronale chez les Argyrodes . Les canaux
excréteurs des glandes sexuelles sont toujours accompagnés
par des cellules satellites canalaires, peu visibles, repérables à leur
seul noyau aplati et en nombre variant selon la longueur
des conduits,
donc impossible à préciser. Ils
se terminent à la partie interne
de la gnathocoxa, par des pores siégeant sur la plage criblée, au milieu des orifices homologues des glandes classiques.
Les canaux excréteurs des Leptonetidae sont plus longs que ceux des glandes classiques, grêles, arrondis, réguliers
et chacun accompagné par une cellule satellite canalaire remarquablement apparente (Fig.
). Elle est en effet de très grande taille (L = 100µm),
prismatique allongée, avec un cytoplasme clair vacuolisé de
contour polygonal, un noyau excentrique aplati, à chromatine
très fine, et entoure le canal qui y occupe en général une
position axiale. Ce conduit est peu net dans les coupes longitudinales
mais beaucoup plus visible en section transversale, sous la forme d’un
anneau minuscule inscrit dans le polygone cellulaire et
relié à la membrane par une densification
linéaire (Fig. ). Tous les canaux se terminent au fond d’une dépression cuticulaire par
un orifice étroit que porte une
saillie
papilliforme (Fig. ).
|
Fig. ..Leptoneta trabucensis, mâle : canaux (flèches) et leurs cellules canalaires à noyau (N) parfois visible. |
Ces orifices ne forment chez la femelle qu’un
groupe distal situé au-dessous et en dehors de la scopula, y sont toujours peu nombreux (6
environ), arrondis et adoptent une disposition presque rectiligne (Fig. ).
Par contre, chez le mâle ,
ils
constituent deux groupes distincts (Fig. ):
l’un antérieur ou distal, formé de 9 pores alignés comme ceux de la
femelle (Fig. ) ; l’autre postérieur ou proximal, occupant
une aire en triangle orientée vers le
rostre et le labium (Fig. ). Les orifices
y sont
très nombreux (une cinquantaine), ovales (2,5 µm/1,5
µm), avec une saillie en dôme correspondant à la
« papille » du canal excréteur et un
bourrelet marginal qui s’étire en
« raquette » (Fig. ).
Dans le cas de Leptyphantes sanctivincentii, objet
d’une étude plus sommaire, les orifices
excréteurs arrondis se
mêlent à ceux des glandes
salivaires « classiques » au fond d’un
« puits »
cuticulaire de la gnathocoxa, plage ou aire
criblée de la microscopie photonique. Il n’y a donc point
deux groupes distincts.
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Fig.
-
Leptyphantes sanctivincentii, mâle : gnathocoxa, vue interne
totale. M.E.B. |
Fig. -
Détail de la précédente : le "puits"
et ses orifices. |
O, orifices excéteurs (pores) ; P, dépression cuticulaire en puits ; S, scopula ; Sc, sécrétions sur le rebord du puits.(M.E.B © A.Lopez) |
Nous
avons utilisé comme matériel d'études Leptyphantes
sanctivincentii (Simon) (Linyphiidae) (grotte de Cailhol, Minervois :
Ouest de l’ Hérault, France), et Leptoneta
microphtalma Simon
(grotte
de L’Espugne, Saleich, Haute Garonne, France ; grotte de Lestelas,
Cazavet, Ariège), examiné en M.E.T. au Laboratoire souterrain du
CNRS (Note 1), plus accessoirement Linyphia
frutetorum Koch étudiée
au Laboratoire de
l’INRA (St Christol les Alès, 30).
La M.E.T.
complète les données histologiques et montre que
chaque glande, sexuelle ou classique, peut
être considérée comme
une unité anatomo-fonctionnelle présentant toujours un même
plan ultrastructural. Cette unité comporte : plusieurs
adénocytes et une cellule
intermédiaire, correspondant
au corps
tubulo-acinoîde ; un
canal
excréteur ou conducteur qu’entourent jusqu’au pore des cellules
canalaires,
plus ou moins nombreuses, leur ensemble
formant un appareil cuticulaire (Schéma).
Leptyphantes sanctivincentii Schéma d'un acinus mâle de glande gnathocoxale catégorie III |
Cu, cuticule - d, canal - dc1, cellule canalaire distale 1 - dc2, cellule canalaire distale 2 - ecc, cavité extra-cellulaire - epl, couche épicuticulaire - er, réticulum endoplasmique - gd - dictyosome golgien - gfl, couche granulo-filamenteuse - ic, cellule intermédiaire - iep, épicuticule interne - mv, microvillosités - n, noyau - oep, épicuticule externe - pc, cellule canalaire proximale - rg, granules riziformes - sc, cellules sécrétrices (adénocytes) - sg, grain de sécrétion. (d'apès Lopez et Juberthie-jupeau, 1989) |
4.1- Corps glandulaire
4.1.1- Glandes
« classiques »
Elles sont appelées
« glandes de
catégorie I »
dans
le cas particulier de Leptyphantes sanctivincentii (Lopez,1991).
4.1.1.a.- Adénocytes
Chaque
adénocyte du
corps glandulaire
tubulo-acinoïde, est une
grosse cellule pyramidale dont le
pôle apical, serti par la cellule intermédiaire, présente
une invagination
de l’espace extracellulaire en
relation avec la cavité
axiale. Cette invagination, souvent très
étroit, est bordée par
des microvilli irrégulières,
enchevêtrées, contenant des microfilaments longitudinaux . Au niveau du pôle
basal, qui repose
sur une lame, le
plasmalemme montre, du moins
chez Leptoneta une
série de profonds
replis compartimentant
le hyaloplasme. Dans le cas du même
genre, les faces
latérales
s’engrènent par des interdigitations tandis que des axones riches en petites vésicules claires et en grains de
sécrétion
à cœur dense (amines
biogènes) courent entre leurs plasmalemmes (Fig. ).
Le noyau présente un gros nucléole, une chromatine granuleuse dispersée et
est plus ou moins déformé par les organites
subcellulaires voisins.
Ces derniers sont essentiellement un réticulum endoplasmique granuleux expliquant la basophilie observée en microscopie optique et un appareil de Golgi à dictyosomes très nombreux chez Leptyphantes, paraissant plus rares chez Leptoneta.
Les cisternae du réticulum granulaire élaborent chez Linyphia (Lopez 1977a) et chez Leptoneta (Lopez,1980) un matériel dense, opaque aux électrons, et le libèrent ensuite dans des vésicules. Ces dernières, qui correspondent aux vacuoles des coupe histologiques, sont arrondies, juxtaposées, plus ou moins confluentes. Le matériel sécrétoire s’y disperse en devenant moins dense et granuleux.. Des microvésicules et fragments de membranes réticulaires peuvent s’y mêler. Chez Leptyphantes (glandes I), les vésicules naissent du Golgi, grossissent progressivement,ont une membrane plus ou moins bien délimitée, renferment un matériel d’opacité variable, peuvent atteindre jusqu’à 5µm (Fig. ), gagnent la partie supérieure de l’adénocyte et y confluant en « flaques » polylobées dont le contenu s’extrude dans la cavité extracellulaire entre les pieds des microvilli (Lopez,1991).
Les autres organites
sont des mitochondries allongées, à crêtes
parallèles, et des lysosomes opaques.
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Fig. - Leptoneta microphthalma,
mâle, adénocytes classiques et cellule intermédiaire |
Fig.
-
Adénocytes classiques, détails |
Ce, cavité extracellulaire d'adénocyte - Cci, cavité extracellulaire de la cellule intermédiaire (In) - V, vésicules (M.E.T © A.Lopez) |
4.1.1.b.- Cellule
intermédiaire
Correspondant bien au
liséré acidophile qui entoure la lumière dans
les coupes
histologiques, elle très irrégulière, comme
«découpée-laciniée», soutient les
pôles apicaux
des adénocytes, réunit
ces
derniers en un groupement unitaire et assure leur liaison avec
le canal
excréteur (Schéma). Son
extrémité
supérieure
ou proximale s’invagine, du moins chez Leptoneta, en une
cavité extracellulaire
prolongeant celles
des
adénocytes. Ses
expansions
s’insinuent entre les adénocytes
et leur sont unies par des zonulae adherens
près des apex. Une jonction annulaire du même type
solidarise l’extrémité inférieure ou distale de la
cellule
intermédiaire et la cellule du canal.
4.1.2- Glandes
sexuelles
► Cas de Leptyphantes
A
la suite de la découverte histologique du dimorphisme sexuel
«salivaire» chez
Leptyphantes
(Lopez,1978a) et d’autres
taxons du
même genre, un premier examen ultrastructural de L.sanctivincentii
(Lopez, 1986b),
le prétendu Pseudomaro
aenigmaticus actuel, nous a montré
qu’il existe chez le
mâle non pas deux comme décrit initialement, mais
trois catégories de glandes
gnathocoxales, appelées I, II
et III et bien une seule
(catégorie I) chez la femelle où elle
vient d’être décrite.
Les glandes I
sont telles que précédemment.
Les glandes II et III se
composent toutes d’unités anatomo-fonctionnelles
dont
le corps a été seul décrit en
détails dans nos travaux axés
sur leurs remarquables sécrétions (Lopez,1986b
; Lopez,1991),
et dont le canal excréteur va
s’ouvrir sur la face latéro-interne de la gnathocoxe dans une dépression
commune en crypte ("pit").
4.1.2.a-
Adénocyte
Chaque adénocyte est une grosse
cellule pyramidale.
Son pôle apical présente une invagination de l’espace
extracellulaire en “cul de sac” occupant le grand axe
adénocytaire, souvent très étroite et
bordée de microvilli irrégulières et
enchevêtrées.
Les grains de sécrétion des glandes II, présents
chez le seul
mâle, sont nombreux, sphériques, et contiennent un
matériel granuleux plus ou moins condensé en mottes
irrégulières (Fig. ).
Quant
aux grains des glandes
III, propres aussi au
mâle, ils sont très nombreux,
répartis dans tout le cytoplasme, subsphériques et
atteignent 3,2 µm de diamètre. D’une complexité
remarquable, ils renferment au moins trois
composants : un
matériel finement grenu
et assez clair ; un matériel marginal en
« coiffe » ou
« croissant », plus dense et plus grossier, au
moins partiellement d’aspect réticulé ; des granules
«riziformes»
très caractéristiques de la sécrétion des glandes III.
|
|
|
Leptyphantes mâle : glandes II |
Leptyphantes
mâle
: glandes III |
Leptyphantes
mâle : glandes
III |
C, "coiffe" marginale ; D, dictyosome E, réticulum ; D, grain dense ; G, matériel granuleux ; N, noyau ; Nu, nucléole ; R, réticulum .......en attente |
Ces derniers sont bien
individualisés, de contours
réguliers, d’opacité modérée, de
forme
ovoïde permettant de les comparer à de petits
grains de riz
(d’où leur nom) et d’une taille
assez constante ( longueur : 0,17 µm). (Fig.).
Ainsi, l’aspect des grains de sécrétion est
extrêmement variable,
conditionné par les proportions respectives des
trois composants
et correspondent sans aucun doute à
différents degrés ou stades de maturation. Les granules riziformes semblent
se
développer à partir de la composante
réticulée, passent ensuite dans la phase finement grenue
qui devient de plus en plus claire,
se fond dans le hyaloplasme
tandis que la membrane du grain s’efface,
sont ainsi libérés au pied des microvilli,
et finalement seuls extrudés dans la lumière de l’acinus
qu’ils
remplissent (Fig.).
4.1.2.b-
Cellule intermédiaire
La
cellule intermédiaire a des
contours
irréguliers et sertit les parties apicales des
adénocytes. Elle est très riche en microtubules.
La cohésion de
l’ensemble est assurée par des desmosomes
zonaires et des jonctions
septées.
►Cas de Linyphia
Dans
le cas de Linyphia
frutetorum, seule
étudiée
initialement et de manière succincte au M.E.T. (Lopez,
1977a), l’adénocyte
« sexuel » renferme
aussi
un réticulum
granuleux très
développé. Les grains de
sécrétion
correspondent bien aux
sphérules acidophiles de la microscopie photonique mais ont un
aspect ultrastructural très différent de ceux
de Leptyphantes. Ils
sont
volumineux,
subégaux, réguliers, sphériques mais assez mal
délimités, et paraissent
formés par des cisternae réticulaires qui
s’y
reploient en
« circonvolutions » et «volutes»
tourbillonnantes. Un matériel modérément opaque
au x électrons englue et estompe ces curieuses
curieuses
structures en
forme de « boule » (Fig. ).
Chez Linyphia,
les adénocytes classiques ne montrent que des
vacuoles juxtaposées
à
contenu granuleux plus ou moins dense (Fig. ).
Un tel aspect est visible aussi dans les glandes sexuelles après
dégranulisation et succèderait alors aux "boules",
confirmant les données histologiques.
Fig.
- Linyphia
frutetorum mâle : grains de
sécrétion dans un adénocyte sexuel |
Fig.
- Linyphia
frutetorum :
sécrétions dans un adénocyte classique |
B, "boule" de sécrétion
- Fm, fibre musculaire et son noyau - M, membrane nucléaire - N,
nucéoplasme - R, réticulum endoplasmique - S,
sécrétion - V, vacuole (M.E.T © A.Lopez)
D'après Lopez,
1977a, planche 6 |
►
Cas de Leptoneta
4.1.2.a - Adénocyte
sexuel
L’adénocyte
sexuel
est une longue cellule
piriforme, accolée aux voisines
par
des faces sinueuses et convergeant avec
ces dernières, au nombre total de 4 ou 5 par
coupe transversale, vers une cavité centrale
collabée
très difficile à reconnaître.
Le pôle apical
présente encore une invagination de
l’ espace
extracellulaire
également collabée et
réduite à un lacis formé par des
microvilli enchevêtrées
(Fig.
)
Le cytoplasme
sous-jacent
contient de nombreux ribosomes et des
microfilaments s’engageant
dans les axes
villositaires. Ses
régions moyenne et
basale contiennent
des
mitochondries à crêtes parallèles,
de rares dictyosomes (Golgi), des ribosomes libres, des polysomes et
surtout,
de très
nombreuses
vésicules.
Correspondant aux vacuoles de
l’histologie, et
très
différentes des grains de
sécrétionde Linyphiidae, elles sont
subsphériques, de taille
variable, plus ou moins confluentes et
renferment parfois un matériel dispersé et peu
contrasté.
Le petit noyau,
souvent
déformé par les vésicules
adjacentes,
contient un nucléole
excentrique
et des masses
chromatiniennes de taille
assez uniforme,
tendant à s’accoler à l’enveloppe
nucléaire.
Fig.
- Leptoneta
microphthalma, mâle,
adénocyte sexuel : |
|
N, noyau ; Nu, nucléole ; V, vésicules M.E.T. |
4.1.2.b- Cellule
intermédiaire
Elle est volumineuse,
allongée,
très
irrégulière
au contact des adénocytes
entre lesquels s’insinuent ses longues digitations
mais s’ordonne autour du
canal
excréteur en un
«manchon» plus ou moins aplati.
Le noyau est
volumineux,
ovalaire et pourvu d’une chromatine
en
masses dispersées.
Le hyaloplasme
est clair et très abondant. Il renferme quelques mitochondries,
des polysomes épars , de petites vésicules à paroi
mince
contenant parfois un grain sphérique et surtout, des
microtubules.
Ces derniers sont nombreux
et se groupent en faisceaux compacts
parallèles aux canal excréteur, lui formant ainsi une
sorte de «gaine».
La cellule
intermédiaire est unie par des zonulae
adhaerens, d’une part aux adénocytes
(digitations), d’autre part
à la cellule canalaire
(extrémité opposée).
Succincte chez Linyphia et Leptyphantes (Lopez,1977a
; Lopez,1986), son étude a été beaucoup
plus poussée chez Leptoneta (Lopez,1980)
et montre dans leurs unités
sexuelles un
même aspect fondamental, retrouvé d’ailleurs dans les
unités
glandulaires
classiques. Les canaux
excréteurs sont
entourés par des cellules
canalaires.
4.2.1-Glandes classiques
4.2.1.a - Cellules canalaires
Cellule satellite de la
microscopie photonique,
chacun de ces éléments enveloppe le canal
excréteur en se
refermant sur
lui-même et en formant un méso de plasmalemme par
l’accolement de ses faces
opposées. Il reste toutefois séparé du canal par une
cavité
extracellulaire où
font saillie des microvillosités
groupées en bouquets.
Leur extrémité libre présente souvent une zone
plus dense aux electrons (Fig. ).
Le cytoplasme des cellules canalaires renferme un grand nombre de mitochondries longues et
sinueuses, ainsi que des grains très osmiophiles.
4.2.1.b-Canal excréteur
Il est arrondi, régulier,
montre une lumière
béante
et
une
paroi épaisse, formée par deux couches, interne et externe.
La première est un liséré osmiophile fin et
sinueux, tandis qiue la seconde, beaucoup plus épaisse, montre
une structure hétérogène, finement granuleuse avec
des vermiculations. Toutes deux se raccordent à l’épicuticule
tégumentaire
après avoir formé un
«bec» aigu, correspondant en coupe à la saillie papilliforme déjà
signalée (histologie, M.E.B.)........
4.2.2-Glandes sexuelles
4.2.2.a - Cellules canalaires
Elles
forment aussi un «manchon» en se refermant sur
elles-mêmes et en créant ainsi un méso, sans
toutefois s’accoler partout aux conduits et en
restant plus ou moins
séparées par une étroite cavité
extracellulaire.
Il y a deux cellules canalaires proximales chez Leptyphantes (probablement aussi chez Linyphia), la première
succédant à la cellule intermédiaire qui lui est unie par une jonction annulaire, et des distales, en nombre plus ou moins grand
selon la longueur du canal.
Elles
présentent des microvilli d’ailleurs peu visibles au-dessous de la cuticule, renferment
un chondriome assez développé
ainsi que de nombreux microtubules mais paraissent
dépourvues de toute activité sécrétrice.
Leur noyau est excentrique,
allongé, aplati et contient de petites mottes chromatiniennes.
Par contre, il n’y en a qu’une
seule dans le cas de Leptoneta microphthalma. Elle est trés
allongée, également unie à la cellule intermédiaire par une jonction annulaire et
détermine, par l’accolement localisé de ses deux faces et
de leurs plasmalemmes un méso particulièrement long,
net et sinueux, correspondant à la «densification»
des coupes histologiques. La face interne libre est
hérissée de microvillosités longues,
irrégulières et enchevêtrées occupant la cavité extracellulaire.
Le noyau excentrique est allongé,
plat et pourvu de petites mottes chromatiniennes.
Le cytoplasme étendu se singularise
par son extrême richesse en vésicules
sphériques,
régulières, de taille assez variable, les plus petites
portant des ribosomes
sur leur face
externe, et les plus grandes contenant fréquemment un
matériel homogène, opaque aux électrons.
|
Fig.
- Canaux de Leptyphantes :
C, paroi ; M,
mitochondrie
; S, "méso"; T, microtubules ( M.E.T.). |
Le
canal
excréteur sexuel reste
ensuite déprimé,
rarement béant près de sa terminaison. Sa lumière paraît vide ou
renferme
un matériel peu abondant et d’opacité
modérée aux électons. Sa paroi comporte deux couches, interne
et externe, analogues à
celles des canaux
excréteurs de
glandes classiques (confere
supra). Ses rapports avec l’épicuticule
tégumentaire sont
également semblables.
5.1.- Sur
le plan anatomique, la
structure fine des unités constituant les
glandes gnathocoxales classiques et sexuelles les
diffèrencie
sensiblement de celles des autres glandes
d’Araignées anatomiquement définies. Elle permet de leur
reconnaître un modèle fondamental commun à trois
étages (Schéma) : un étage
proximal tubulo-acinoïde,
comprenant plusieurs adénocytes, et leurs
cavités extracellulaires
; un étage moyen
formé par
une cellule intermédiaire non
sécrétrice
dont la cavité fait suite
aux
précédentes ;
un
étage distal constitué par le canal excréteur et
sa (ses) cellule(s) canalaire (s).
Ce modèle évoque
celui des glandes
tégumentaires
d’Opilions (Martens,1973), de Myriapodes (Nguyen Duy-
Jacquemin,1978 ; Juberthie-Jupeau, 1976), de Crustacés (Juberthie-Jupeau &
Crouau,1977), d’Insectes
Aptérygotes (Juberthie-Jupeau
& Bareth, 1977) et de très
nombreux Ptérygotes.
Toutefois, les glandes gnathocoxales possèdent un nombre d’adénocytes beaucoup plus
élevé, surtout chez Leptoneta. En outre, elles sont
totalement dépourvues des canalicules récepteurs en «filtre» ou
«crible» (au sens de Pastells, 1968, et de Quennedey,1978) et de l’appareil terminal («end apparatus») qui les
complète, aussi bien dans d’autres organes
sécréteurs d’Araignées (glandes acronale, rétognathocoxale, labiosternale, rétrogonoporale…) que dans ceux d’ordres arthropodiens différents.
Par leur structure
composite très particulière, les glandes gnathocoxales ne
peuvent donc être rattachées
à la classe 3 des glandes épidermiques
d’Insectes et autres Arthropodes, d’autant plus que Leptoneta la
cellule canalaire sexuelle montre des
signes d’activité sécrétoire très
marquée, à peu près inconnus dans les autres ordres.
Les grains de
sécrétion ont
une origine golgienne et leur
aspect variable, lié aux proportions respectives de leurs trois
composants, correspondent à différents degrés ou
stades de maturation. Chez Linyphia, les rapports étroits des grains avec le réticulum
et leur disposition en «boules
circonvoluées» uniformes s’oppose à cette
complexité et à une origine golgienne,
mais il ne s’agit peut
être là que d’un aspect également temporaire,
impossible à cerner faute d’études plus complètes.
Il n’est pas sans rappeler les
« tourbillons » que Crossley & Waterhouse
(1969) ont décrit dans l’osmeterium de certains Insectes Lépidoptères (chenilles de
Papilio).
En revanche, il n’y a pas de signes d’activité …..
5.2.- Sur le plan
fonctionnel, les glandes maxillaires propres aux mâles
ont certainement un rôle lié au comportement sexuel comme dans le cas de la glande acronale (clypéale).
Elles pourraient
intervenir dans 3 fonctions
qui ne s’excluent d’ailleurs pas mutuellement lors de la copulation et ses préliminaires, à savoir : une lubrification de l’embolus palpaire
lorsque l’accouplement est
prolongée et (ou) répété ; une obturation des voies génitales
femelles assurant au
mâle sa « priorité
spermatique » ; une
action attractive ou,
inversement, inhibitrice sur la partenaire.
5.2.1- Une fonction lubrificatrice du pédipalpe mâle
(«palpal
lubrication»)
paraît la plus vraisemblable. Divers auteurs ont en effet
signalé qu’au cours de la copulation, le mâle de nombreuses Araignées introduit souvent ses palpes entre les chélicères et les
pièces
buccales comme
pour les « machonner » («palpal chewing ),
« humecter » ou
« nettoyer », manœuvre observée notamment
chez les Linyphiidae (Wiehle, Rovner) et chez
certaines Araneidae Araneinae telles qu’Araniella
cucurbitina (Blanke,1973a).
Selon toutes
probabilités, les glandes maxillaires mâles élaborent
alors une substance qui recouvre l’organe copulateur, en particulier son bulbe et l’embolus, assure
l’ «entretien» extérieur de cet organe complexe
(confere infra) ou du moins le lubrifie, facilitant
ainsi son intromission rotative dans les voies génitales de la femelle.
Chez les Linyphiidae (Linyphiinae et Erigoninae), le développement des glandes gnathocoxales est tel qu’une
sécrétion profuse doit «inonder»
littéralement, avant leur insertion, les pièces chitineuses de bulbes complexes, plusieurs fois
utilisés au cours de longs accouplements.
De même, chez les Araneinae à dimorphisme gnathocoxal les mâles peuvent
s’accoupler plusieurs fois car l’intégrité de leurs emboli a été
conservée et leur
sécrétion maxillaire abondante les lubrifie avant chaque
copulation.
Plusieurs
arachnologistes (Peck
et Whitcomb,1970 ; Rovner, Gering…) ayant décrit aussi une
lubrification palpaire dans certaines familles (Clubionidae,Lycosidae,Agelenidae) dont les
mâles m’ont paru dépourvus de glandes
maxillaires « sexuelles », il semblerait qu’ une «humidification» des bulbes puisse fort
bien être
assurée par des glandes «salivaires normales »
ou «classiques» et
constitue, de ce
fait, un trait éthologique assez répandu chez les
Araignées. J’admet donc à l’appui de mon hypothèse
que l’apparition
de structures génitales complexes aurait
entrainé une différenciation de glandes
« lubrifiantes » mâles
spécialisées dans deux
familles
apparentées (Linyphiidae, Erigoninae comprises ;
Araneidae), chez les Leptonetidae,
et peut être aussi dans
d’autre groupes taxonomiques à explorer.
5.2.2 - Bien que
séduisante, une fonction
obturatrice du gonopore femelle par
la sécrétion
gnathocoxale est moins assurée. Les
obturateurs génitaux (« bouchons
d’accouplement »,
« mating plugs
») qu’elle
pourrait constituer
en se solidifiant ne paraît pas signalé chez les Linyphiidae, famille
pourtant la mieux
« équipée » en « glandes
sexuelles ». En
revanche, des
«bouchons» ont
été signalés chez les Salticidae, Clubionidae, Oxyopidae, Thomisidae et Theridiidae tous
dépourvus,
semble-t-il, des mêmes organes mâles. Au sein de la
denière famille, le cas des Argyrodes est
particulièrement
éloquent : la présence d’obturateurs
génitaux spectaculaires
chez la femelle
contraste avec des glandes
gnathocoxales
réduites et identiques dans les deux sexes (Lopez,
1974b) (Fig. ) ; leur élaboration par
une partie au moins de la glande
palpaire semble
être la plus
vraisemblable (confere infra).
5.2.3 - Une action attractive
ou inhibitrice sur la femelle impliquerait que la
sécrétion maxillaire « sexuelle »
est aussi de nature phéromonale. En effet, dans le cas au moins
d’Araniella
cucurbitina, le
mâle enduit de
sécrétion, non seulement les palpes mais aussi ses pattes antérieures au cours du nettoyage
(Blanke,1973). La substance jouerait alors un rôle
sémiochimique lors des attouchements inhibiteurs
d’agressivité que les pattes exercent sur le prosoma femelle pendant la « cour
à brève distance ».
L’existence de divers grains de sécrétion (Leptyphantes) pourrait y traduire plusieurs
composantes
5.3.- Sur le plan systématique,
le dimorphisme sexuel gnathocoxal
des genres Leptoneta (Lopez,
1978a ; Lopez,1978b ;
Lopez,1980),
Paraleptoneta
(Lopez,1982) et même Sulcia
(Lopez :
observation histologique non publiée) se présente
comme un nouveau caractère familial d’intérêt
majeur. Il a été d’ailleurs pris
en compte par Brignoli (1979) dans son étude des Leptonetidae.
Jusqu’alors,
la diagnose de cette famille ne
reposait que sur un les caractères définis par Fage
(1913) et y incluait Telema
tenella.
En fait, cette petite Araignée
pyrénéenne ne montre
pas de dimorphisme
sexuel gnathocoxal mais possède d’autres
caractères
positifs remarquables (spermatophores,
organe copulateur mâle, spermathèque de la femelle, sphérites intestinaux ) permettant
formellement de l’extraire des Leptonetidae pour la rattacher aux Telemidae.
L’existence
d’un dimorphisme gnathocoxal avec
des glandes sexuelles encore plus
«exubérantes», comme «ectopiques», et
souvent pourvues d’un système canalaire complexe est un argument
de poids supplémentaire pour associer «Linyphies»
et «Erigones» sensu lato dans une
seule et même famille :
les Linyphiidae.
Soulignant toutes
les difficultés d’une limitation taxonomique dans cette
famille, Lehtinen et Saaristo (1970) avaient d’ailleurs propsé
un examen combiné de divers critères anatomiques et des
caractères cytologiques. Malgré des
différences leur conférant un statut de
sous-familles, Linyphiinae et Erigoninae,
ces Araignées n’en sont pas
moins
étroitement apparentées, d’autant plus que leur prosoma contient souvent aussi des glandes
acronales. Une subdivision bifurquée en deux
familles distinctes,
Linyphiidae et Erigonidae, est donc bien impossible
(Lehtinen, 1975).
En ce qui concerne l’immense groupement des Araneidae, sa sous-famille des Araneinae devrait fairel’objet d’une révision taxonomique complémentaire fondée cette fois, et entre autres critères, sur l’anatomie des glandes gnathocoxales ou maxillaires (Note 3) et leur rapport, lorsqu’elle existe, avec une coiffe embolique comme l'auteur l'a souligné initialement chez des espèces métropolitaines (Lopez,1986 a, 1987) puis en 1988 , dans la sous-famille exotique des Gasteracanthines. Il a établi ainsi un rapprochement entre la présence des glandes maxillaires "sex uelles“ et l'absence de cette petite pièce chitineuse, souvent décrite par Levi sur le bulbe des mâles v ierges d'Araneinae.J'ai sug géré que les g lan- des pourraient compenser par leur sécrétio repandue ser les bulbes (“palpat che- win g“)l'absence d"‘embolus cap” et faci literaient des accoupIc ments répé tés (LOPEZ, 1986, 1987).
Dans cette
optique, mais aussi dans la mesure où les mâles d'autres Micrathena (hors
du groupe M. schreibersi
5 espèces selon
LEVI, 1985) sont
dépourvus de
glandes maxiJlai- res "sexuelles”, je
serais assez tenté
d’établir un
rapprochement entre le dimorphisme
que je viens
de décrire et l'absence
"d'apophyse terminale” chez Âficraihena
schreibersi.. Ce sclérite est
présent chez presque tous les màles de i9licrafhena où il côtoie
et parfois même entoure
l'embolus,
rappelant ainsi une "coiffe" ; en
revanche, il fait
défaut dans le
groupe de Àficraihena schreibersi (LEVI, 1985). De plus,
le fait que l'embolus et l'apophyse ter- minale des Micrathena mâles d'autres groupes
se brisent dans l'épigyne, rendant impos- sibles
des copulations ultérieures, suggérerait que l'accouplement
peut étre
répèté chez hlicrathena schreibersi et les espèces voisines, la secrétion des glandes maxillaires propres au mâle lubñr i
l'embolus et
facilitant des intromissions itërutives.
Il est regrettable que les seules observations
dont nous puissions disposer (Robinson & Robinson,1980) n'apportent auc un renseignement de cet ordre.
Ce
dimorpliisme sexuel
présente un interet en systématique car il ne semble pas exister chez les Gasteracantha et
acquiert donc la valeur
d'un critère anatomique d'appoint, séparant ce genre d'au moins certaines Micrathena.
Le dimorphisme des Leptonetidae n’autorise aucun rapprochement
avec la superfamille précédente et
semble, pour l’instant, les isoler au sein
des Haplogynes.
5.5.- Sur le plan de l’anatomie
comparée, le dimorphisme
sexuel «salivaire»
est une grande rareté
anatomique se retrouvant, en dehors des trois familles d’ Araignées qu’il concerne, dans
l’ordre des Insectes
Mécoptères et
celui des
Hétéroptères Lygaeidae. Chez
les
Mécoptères, des Panorpidae telles que
Panorpa communis (Fig.
) et peut-être aussi les Choristidae,
possèdent en effet des glandes
salivaires ou labiales
rudimentaires chez
la femelle mais énormes chez le mâle où elles
s’étendent jusqu’au 6eme segment
abdominal (Grell,1938) (Fig.). Elles interviennent dans la parade nuptiale lorsque le mâle
régurgite de la salive que la femelle ingère ensuite
(Mercier,1915). Chez le Lygaeide Stilbocoris
natalensis le mâle
possède un lobe
salivaire
postérieur très
allongé et en injecte
la sécrétion dans une graine de moracée qu’il
offre ensuite à la femelle (Carayon,1964). Un tel don salivaire entre partenaires sexuels
n’a jamais été observé chez les Araignées
où les seules sécrétions mâles qui soient
absorbées, ou du moins
« contactées » par la femelle, sont
émises au niveau du clypeus
par la glande
acronale de Theridiidae (Argyrodes
surtout) et
de Linyphiidae (Erigoninae, quelques Linyphiinae des genres
Bolyphantes,
Tapinopa).
|
|
|
Panorpa
communis, mâle |
Coupes
longitudinales
du mâle M , de la femelle F : glandes salivaires
en rouge; G,
gonopodes; R,rostre |
Panorpa
communis, femelle |
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