Kaira alba (Araneidae) Son appareil séricigène ANATOMIE ET COMPORTEMENT DES ARAIGNEES : VINGT-CINQ ANS DE RECHERCHES
(Version 2023)
Par
André LOPEZ, auteur
|
Merveille de l'évolutionUne
Araignée qui attire ses proies, exclusivement des
Lépidoptères mâles,
avec deux catégories profondément modifiées
des glandes séricigènes
: les flagelliformes et surtout les agrégées
appelées
"glandes botryoïdes", la sécrétion de ces
dernières
émettant une allomone attractive pour les papillons
|
The Sik Apparatus of Kaira alba (Araneae : Araneidae) Summary An adult spider of the american genus Kaira feeds exclusively on the males of Tineoidea and Noctuoidea, attracting these preys through "agressive chemical mimicry" of their female pheromones. The volatile substance is produced by strikingly modified aggregate silk glands ("botryoïd" organs) including astounding giant cells pads and is diffused by a small specialized "zigzag" web, secretion of reduced flagelliform glands. |
Couleurs
conventionnelles : En noir et italiques, termes anatomiques ; en violet,, noms génériques et spécifiques ; en vert, noms de familles et sous-familles ; en orange,, parties les plus importantes et résumés ; en bleu, liens divers. |
M.E.T. :
(photographie en) microscopie électronique à transmission
C.H. : coupe histologique (microscopie photonique) |
1 -
Introduction
1-1- Distribution
1-2- Description
1-3 - Comportement de chasse
2 -
Histologie
2-1- Glandes ampullacées
2-2 - Glandes piriformes
2-3- Glandes aciniformes
2 -4 -Glandes
tubuliformes
2-5 - Glandes flagelliformes
2.5.1 - Corps
2.5.2 -
Canal excréteur
2-6 - Glandes
agrégées ou botryoïdes
2-6-1
- Canal
excréteur
2-6-2 -
Corps
2-6-2-a -
Segment distal
2-6-2-b
- Segment proximal
3-
Ultrastructure
3-1- Enveloppe conjonctive
3-2- Petits adénocytes
3-3- Cellules géantes
4- Commentaires
4-1- Sur le plan anatomique
4-2- Sur le plan phylogénique
4-3- Sur le plan fonctionnel
Kaira
est un genre
d'Araignées
Aranéomorphes de la famille
des Araneidae
se rapprochant surtout des Metepeira
d'après Lévi (1977,1993) par les genitalia
et la tache blanche de leur abdomen.
Elles se singularisent de toutes
les
autres Araignées par leurs glandes
séricigènes agrégées et flagelliformes
profondément modifiées, en rapport avec un mode de chasse
unique, ne pouvant rivaliser, dans l'originalité, qu'avec ceux
des Cyrtarachninae,
autres Araneidae.
Kaira
et l'utilisation exceptionnelle de sa soie pour attirer les Insectes
(Lépidoptères mâles) sont totalement passées
sous silence
dans
https://en.wikipedia.org/wiki/Spider_silk
et https://fr.wikipedia.org/wiki/Soie_d%27araign%C3%A9e
1-1- Distribution
Les
espèces de ce genre se rencontrent en Amérique où
elles
vivent dans le sud de la zone
néarctique et dans la zone
néotropicale (Guyane française probablement comprise). Il
en existe une
quinzaine
d’espèces dites, en anglais, "frilled
orbweavers", soit "araignées orbitèles à volants
ou colerettes" ?) . La
mieux connue est Kaira alba,
d' Amérique du nord
(USA).
1 -2-
Les
Kaira se singularisent par la
forme particulière de
l'abdomen, qui porte deux tubérosités dorsales,
par
l'aspect des pattes que
hérissent des macrosetae
sur leur partie
distale, et par un dimorphisme
sexuel
statural accusé (mâles pygmées)(Fig.1) concernant
aussi les glandes
gnathocoxales ou salivaires
qui sont de deux types, "classique"
et
"sexuel" (Fig.1), selon la
nomenclature que Lopez (1977) a
adoptée pour ces organes.
|
Schéma 1 - Kaira alba femelle, vue latérale (a) et vue dorsale (b) - Kaira mâle (c), vue dorsale. |
Flèches
rouges : tubérosités abdominales - Flèche bleue :
palpe gauche du mâle. Toutes les pattes ne sont pas visibles |
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Fig.1-
Kaira alba, mâle
: coupe de lame maxillaire (gnathocoxe) |
E,
épithélium gnathocoxal - Gc, glandes "salivaires"
"classiques" - Gs, glandes "sexuelles" (© A.Lopez C.H.) |
1 -3-
Contrairement à la plupart des autres Araneidae,
elles
ne tissent pas de toile orbiculaire. En fait, l’usage de la soie n’a
pas
été totalement abandonné pour la capture des
proies
comme le prouvent les observations de Stowe (USA) sur Kaira alba.
Cette espèce construit de petites toiles rudimentaires en forme
de “ trapèze ”,
avec des “ zigzags ” montrant un fil central que recouvre un
enduit blanchâtre. L’ensemble parait homologue de la
spirale visqueuse captrice d’une orbe conventionnelle. Mais il ne
s’agit pas là de toiles de capture car elles n’engluent pas les
proies. En effet, les “ zigzags" - et non le corps de l’
Araignée contrairement aux Mastophorinae - semblent
exercer un effet attractif sur des mâles de()
(Lépidoptères "Hétérocères" Pyralidae que Kaira
alba, suspendue au “ trapèze ” par les pattes
arrière (Fig.2), saisit directement avec les antérieures
lorsqu’ils parviennent à sa portée (Stowe,1986).
|
Fig.2 - Kaira femelle sur sa
toile à "zigzag", vue ventrale (col.A.Lopez) |
T,
toile-support en "trapèze". Flèches rouges : "zigzag" |
Il semblait donc
trés probable que l 'appareil
séricigène que possède toute
Araignée
ait subi chez elle des modifications. De fait, les
études histologiques et ultrastructurales (M.E.T) de l'auteur y ont mis en
évidence des
particularités anatomiques extraordinaires
découvertes en
1985 (Lopez,1985a ; Lopez,1985b ; Lopez,1986), rappelées ensuite plus
tard (Lopez,1998a
; Lopez,1998b
; Lopez,2001) et qui sont en rapport avec
son
comportement de chasse original..
Nous avons
utilisé comme seul matériel d'étude
l’espèce Kaira
alba (Hentz) (Araneidae),
taxon nord-américain connu
du
Mexique et du Sud-est des U.S.A. où elle vit surtout en
Floride.
Ses exemplaires des deux sexes et à divers stades
évolutifs
ont été récoltés dans l’état
précédent (M.K.Stowe), préparés pour
l'histologie par A.Lopez selon des techniques banales et, pour la MET,
inclus en Floride et examinés ensuite
au Laboratoire ariégeois de Moulis (Note 1).
Comme chez les autres Araneoidea, l' appareil séricigène de Kaira alba comporte 6 catégories de glandes chez la femelle et 4 seulement chez le mâle, privé de tubuliformes et de flagelliformes. Les ampullacées majeures et mineures, les piriformes, les aciniformes et les tubuliformes présentent une structure typique des Araneidae (Lopez,1985a ; Lopez,1986).
Il en existe 4,
une paire de majeures
et
une paire de mineures.
Leur corps
est formé par un tube
distal trés sinueux et par une "ampoule"proximale
fuselée.
Ce réservoir est latéral, long de 800 µm chez
la
femelle et se dirige vers l'arrière de l' abdomen dans
le cas des ampullacées
majeures ;
il est plus interne, long d'environ 500 µm, presque transversal
et s'oriente vers le plan sagittal dans le cas des ampullacées
mineures.
Son épithélium
montre toujours deux catégories cellulaires : adénocytes
proximaux
(hauteur : 20 à 30 µm) et adénocytes distaux
(35
à 40 µm), ces derniers formant aussi tout le tube
contourné terminal (distal).
Les canaux excréteurs sont trés
longs et coudés deux fois sur leur trajet. La paroi
comporte une intima
cuticulaire s'épaississant en bourrelet conique à sa
jonction avec l'ampoule (Fig.4)
et un épithélium
régulier
dont les cellules
étroites ont des apex
striés et des noyaux
basaux. Leurs
calibre et diamètre sont beaucoup plus importants (6 µm,
100 µm) pour les ampullacées
majeures qui aboutissent aux filières
antérieures,
que pour les mineures (4
µm, 40 µm) se terminant dans les filières
moyennes.
|
Fig.
4 - Glande ampullacée |
B, bourrelet cuticulaire - D, canal (coupé 2 fois) - Dt, partie distale de l'ampoule - Pr, sa partie proximale -Td, tube contourné distal. (© A.Lopez C.H.) |
Au nombre d'une
trentaine chez le ♂,
d'une centaine chez
la ♀ , elles se
situent dans la partie postéro-ventrale de l' abdomen. Leur corps allongé montre la
structure bipartite classique. Son épithélium se
compose d'adénocytes
proximaux à grains
basophiles et d'adénocytes
distaux acidophiles ; les sécrétions
respectives ne se mélangent pas dans la lumière
(Fig.5). Les canaux
excréteurs sont
trés grêles, réunis en faisceaux et se terminent
dans les filières
antérieures avec ceux des ampullacées
majeures.
2.3 - Glandes
aciniformes
|
|
Fig. 5 - Glandes
piriformes |
Fig. 6 - Glandes
aciniformes B |
Bd, canal de botryoïde -Dt, portion
distale - E, épithélium d'aciniforme - Fl, glande
flagelliforme - I, diverticule intestinal - Pr, portion
proximale - S, sécrétion (© A.Lopez C.H.) |
Avec les glandes agrégées,
elles ont seules fait l'objet d'un examen au M.E.T.
Il y en a 3 paires, propres
à la ♀. Glandes
séricigènes les plus externes, elles ne
pénètrent pas dans les tubérosités dorsales
(Fig.1) où s’engagent seulement des diverticules intestinaux.
Leur corps est cylindrique (diamètre : 100 µm ; calibre :
20 µm), régulier, très sinueux et ne dépasse
pas en avant le niveau des poumons
(Fig.7,8).
Sur le plan ultrastructural, les adénocytes de son épithélium
renferment un noyau
basal ovoïde, un ergastoplasme
en anneau bipolaire correspondant à des feuillets concentriques
du réticulum granulaire
(parasomes), des mitochondries flexueuses et
des grains de
sécrétion
très clairs aux électrons.
Les canaux excréteurs
(diamètre : 100 µm) montrent une paroi épaisse
à deux assises épithéliales non pigmentées.
L’une des 3 paires se termine dans les filières moyennes avec
les ampullacées mineures
et des aciniformes. Les
deux autres aboutissent aux filières
postérieures avec les agrégées, les flagelliformes et certaines aciniformes.
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Fig. 7 - Glandes
tubuliformes |
Fig. 8- Glandes tubuliformes. Autre vue
et coloration différente |
E, épithélium de glandes tubuliformes ; Gc, coussinet giganto-cellulaire de glande botryoïde ; S, sécrétion (© A.Lopez C.H.) |
2.2.5 - Glandes flagelliformes
Lopez
ne observées
chez les ♂ où elles subissent
peut être une dégénérescence.
Chez la ♀, il s'agit de deux organes discrets ne ressemblant plus, par leur forme et leur volume, aux
glandes ampullacées
avec lesquelles on les a longtemps
confondus chez d' autres Araneidae
comme le souligne Kovoor (1972,1987).
Il est très postérieur, presque
transversal, petit, cylindrique (diamètre : 60 µm) et
dépourvu du classique tube
sinueux distal. Il entre en
rapport étroit avec les glandes
aciniformes, piriformes
ainsi que les canaux
excréteurs des agrégées
et tubuliformes.
Il
montre un épithélium
bas (hauteur : 25 µm),
avec un seul type d’adénocytes
à cytoplasme clair
réticulé et à noyau
basal (Fig. 9).
2.5.2
- Canal excréteur
Le canal excréteur des flagelliformes croise
“ en écharpe ” ceux des tubuliformes
postérieures
et s’insinue ensuite entre ces mêmes conduits et les canaux
des deux glandes
agrégées
homolatérales qu’il accompagne dans la filière
postérieure
correspondante jusqu’à leur terminaison.
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Fig. 9 - Glande flagelliforme
en coupe histologique longitudinale |
A, glande aciniforme - B, canal de botryoïde - D, canal excréteur de la glande flagelliforme - E, son épithélium - T, canaux excréteurs de tubuliformes (© A.Lopez C.H.) |
Il présente un diamètre irrégulier (15 à 20 µm) ; sa lumière est arrondie, très exiguë, ne dépasse pas 3 µm et est donc beaucoup plus étroite que chez les autres Araneidae (calibre : 8 à 10 µm) (Fig.9;Fig.10 : flèche rouge) ; sa paroi montre une intima cuticulaire, un épithélium interne vacuolisé très bas, les vestiges d’un épithélium externe et une enveloppe conjonctive.
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Fig.10
- Canaux
excréteurs de 3 catégories de glandes |
A, aciniformes - Ei, épithélium interne des canaux botryoïdes - Ex, leur épithélium externe - In, leur intima cuticulaire - T, canaux des tubuliformes. Flèches bleues : lumières de ces canaux. Flèche rouge : canal de la glande flagelliforme (© A.Lopez C.H.) |
2.6 - Glandes agrégées ou
botryoïdes
2.6.1
- Canal excréteur
Le canal
excréteur de chacune
d’elles est très large (jusqu’à 150 µm),
bosselé, noduleux, d’abord oblique vers le plan sagittal dans
son 1/3 proximal, puis dirigé en arrière et presque
rectiligne dans ses 2/3 distaux . Il aboutit enfin à une
filière postérieure
avec ceux de la glande flagelliforme
homolatérale ainsi que d’une partie des aciniformes et
des tubuliformes. Sa lumière
(diamètre : 20
µm) est
entourée par une paroi complexe montrant une intima cuticulaire,
un
épithélium interne
clair visible sur toute la longueur du
conduit,
un épithélium externe
sombre n’existant que dans ses 2/3
distaux
et une enveloppe conjonctive
ou propria. L’épithélium
externe
s’épaissit en nodosités
grenues, acidophiles et parfois
si
saillantes qu’elles paraissent isolées du reste de la paroi dans
les
coupes histologiques (Fig.10 à 12).
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Fig. 11 - Filière postérieure et
canaux excréteurs en coupe oblique |
Fig.
12 - Filière
postérieure, autre vue. |
Ei, épithélium interne - Ex, épithélium externe - In, intima cuticulaire - Sa, glande aciniforme dorsale isolée - T, glande tubuliforme (canal). Flèches rouges : lumières des canaux botryoïdes (© A.Lopez C.H.) |
Le corps
de chaque glande
agrégée ne
présente
pas l’aspect lobé, arborescent ou sacciforme qui
caractérise
les autres Araneidae
produisant de la glue telles que Mastophora par exemple
(Fig.13), autre araignée "fantastique" et certains Theridiidae (Lopez,1983a).
|
Fig.13
- Mastophora cornigera, femelle : glande
agrégée lobée |
E,
épithélium uniforme des lobes de la glande - I,
diverticule intestinal - L, lumière (© A.Lopez C.H.) |
|
Fig.
14 - Kaira alba femelle :
préparation d'appareil
séricigène isolé et disséqué |
B,
glandes
agrégées botryoides
avec leurs segments distal (D) et proximal bosselé (P). F, flagelliformes - T, tubuliformes. Les autres types ne sont pas désignés. |
|
|
Fig. 15 - Glande botryoïde isolée, aves ses deux segments | Fig.16 - Détail de la précédente. |
C, canal -E, épithélium à petits
adénocytes visible en ce point - D, segment distal
(portion) - P, segment proximal.
Flèches rouges : bosselures des coussinets |
Fig.
17- Portions de segments proximaux et canaux |
Fig. 18 - Détail de la précédente |
C, canal excréteur - S,
autres glandes. Flèches rouges : bosselures des coussinets.
Flèches jaunes : propria décollée. |
La paroi du corps est constituée par une
propria, en
continuité avec celle du canal, plus ou moins
décollée dans les préparations (Fig.18), et
par un épithélium sécréteur à 3
catégories cellulaires.
2.6.2.a
- Segment
distal
Dans cette portion, non
bosselée, de chaque glande, il n' existe qu’une seule
catégorie de cellules, non étudiée au MET.
Elles sont basses (20 µm), larges, pourvues de noyaux
denses assez irréguliers et d’un cytoplasme basophile, avec des
vacuoles apicales, à contenu fibrillaire APS +.
2.6.2.b -
Segment proximal
L’épithélium
de cette portion bosselée montre deux autres catégories
cellulaires : de petits
adénocytes se disposant en
“ palissade ” et des cellules géantes
réunies
en “coussinets”
qualifiés de ce fait "giganto-cellulaires",
correspondant aux bosselures externes (Fig.20 à 23). Ils sont
déjà perceptibles dans un broyat de la
glande (Fig.19).
|
Fig.
19 - Broyat étalé et coloré d'une
trés petite portion de glande botryoïde |
Gc,
partie de coussinet
gigantocellulaire. Flèches : petits adénocytes
éparpillés. |
|
|
Fig. 20 - Coupe histologique de glande
botryoïde (vue trés partielle). |
Fig. 21 - Autre vue trés partielle (photo
noir et blanc). |
E, épithélium à petits adénocytes - Gc, coussinet à cellules géantes (giganto-cellulaire) - S, glande à soie ampullacée . Flèches : lumière (© A.Lopez C.H.) |
|
Fig.22 -
Autre vue, coloration différente (trichrome de Masson) |
E,
épithélium à petits adénocytes - Gc,
coussinet à cellules géantes. Flèches :
lumière (© A.Lopez C.H.) |
Les petits adénocytes forment un épithélium d’aspect banal, clair, régulier et "palissadique" (Fig.20 à 22: E); ils sont moins larges, plus allongés (30 à 50 µm) que les cellules distales, renferment un noyau ovoïde dans leur 1/3 basal et ne montrent pas de sécrétion évidente en microscopie photonique.
Les coussinets à cellules géantes s’intercalent directement dans l’épithélium précédent avec lequel il n’existe aucune transition (Fig.20 à 22). La largeur de chaque coussinet peut atteindre 400µm chez la femelle adulte alors qu’il n’en excède pas 150 chez le mâle subadulte. Les cellules constitutives adoptent une curieuse disposition en “ éventail ” bien visible lorsque les coupes intéressent la lumière de la glande agrégée (Fig.20,22,23). Elles sont pyramidales, très allongées, d’une taille exceptionnelle (hauteur : jusqu’à 200 µm au centre du coussinet) qui leur vaut bien le qualificatif de “ géantes ”. Leurs pôles basaux se juxtaposent en une surface fortement convexe que revêt la propria, tandis que les pôles apicaux bordent la lumière où leur ensemble se déprime en cupule légère (Fig.23).
|
Fig. 23 - Coussinet giganto-cellulaire |
E,
épithélium à petits adénocytes -Gc,
cellules géantes - N, leurs noyaux. Flèche
: lumière (© A.Lopez C.H.)
|
Le noyau
se situe dans le 1/3 basal
(Fig.20 à 23) ; il est énorme ( 30 à 60 µm),
irrégulier et très chromatique (Fig. 23 :N), ayant
même rappelé à l'auteur, A.Lopez, également
médecin, ceux de cellules néoplasiques en
pathologie humaine !. Le cytoplasme montre une activité
sécrétoire : des inclusions oblongues très acidophiles et APS +
apparaissent dans la région
péri-nuclaire et sont
ensuite remplacées par des grains
moins colorables, plus
irréguliers, occupant surtout les 2/3 apicaux du cytoplasme
(Fig.22).
Il est à noter que
les cellules géantes
d’un coussinet offrent toutes
le même
aspect microscopique et sont donc au même stade
sécrétoire. En
revanche, cet aspect varie d’un coussinet
à l’autre, ce qui
semble traduire un asynchronisme fonctionnel Fig.22).
Les glandes
botryoïdes apparaissent
précocément : elles sont en effet présentes
chez les Kaira immatures,
bien développées
à tous leurs stades et renferment déjà des groupes
de cellules géantes
plus ramassés toutefois que chez la
femelle adulte, de forme globuleuse et n'ayant pas encore la forme en
"coussin". L’épithélium
dans lequel ils s’insèrent
est également plus bas (Fig.24 à 27). Ses noyaux sont
déjà gros et trés colorables (Fig.27)et
les cytoplasmes granuleux
(Fig. 24 à 26) ou vacuolisés
(Fig.27).
|
|
Fig.24 - Kaira alba immature : glande botryoïde. | Fig.25 - Même glande botryoïde, détail |
E, épithélium
à petits adénocytes -
Gc, futur coussinet
giganto-cellulaire - I, diverticules intestinaux - N, noyau de cellule
géante - U, guaninocytes. Flèches : lumière de la glande (© A.Lopez C.H.) |
|
|
Fig. 26 - Kaira alba immature : autre glande botryoïde. | Fig.27 - Kaira immature : coussinets, détail. |
Cy, cytoplasme de cellule géante -E, épithélium à petits adénocytes -Gc, coussinet giganto-cellulaire - I, diverticules intestinaux - N, noyau de cellule géante. Flèches : lumière de la glande (© A.Lopez C.H.) |
Alors
qu’elles existent encore chez le mâle subadulte, les glandes botryoïdes et flagelliformes ne sont plus visibles dans l’abdomen de
l’adulte car elles subissent vraisemblablement une histolyse
dégénérative complète, cellules
géantes comprises, lors de la dernière mue.
3.1 - Enveloppe
conjonctive (propria)
Il s'agit
d'une lame basale
fibrillaire très mince et
quelques couches de cellules
conjonctives très aplaties, pauvres
en organites (mitochondries, microtubules).
|
|
Fig.28 - Deux petits
adénocytes : cytoplasmes ( coupe longitudinale ) |
Fig.29 - Quatre
petits adénocytes : noyaux (coupe transversale) |
Ch, chromatine - J, jonction - L,
lumière - M, mitochondries - Mv, microvilli - N, noyau - Nu,
nucléole - R, réticulum - S, grains de
sécrétion - V,vésicules (© A.Lopez M.E.T.) |
Le pôle apical
est également garni de microvilli,
courtes et accolées. Le pôle
basal montre peu
d’invaginations de son plasmalemme.
Le noyau est
énorme, irrégulier et vraisemblablement
polyploïde ; il renferme une chromatine dense et montre une
enveloppe (nucléolemme) pourvue de
pores nucléaires
trés nombreux (Fig.30,33).
Fig.
30 -Noyau et organites . |
L, grain lipidique - N, noyau avec son enveloppe (EN) criblée de pores nucléaires - REG, réticulum granulaire (© A.Lopez M.E.T.) |
Le
réticulum endoplasmique est
remarquable, très abondant,
concentré dans les 2/3 basaux du
cytoplasme et en partie
granulaire. Ses citernes
tendent à converger vers des
“ carrefours ” lui donnant un aspect
“ étoilé ” très inhabituel, d’où
le nom de “ réticulum
stellaire ” attribué par Lopez (Fig.31,32,34). Ces
“ carrefours ” renferment
un matériel homogène et peu contrasté.
|
|
Fig.
31 - Réticulum stellaire, vue d'ensemble |
Fig.32
- Réticulum stellaire, détail. |
L : grains lipidique - M, mitochondries - R.E.S, réticulum endoplasmique stellaire (© A.Lopez M.E.T.) |
Le cytoplasme
renferme aussi des grains lipidiques
peu
denses
(Fig.31,32,34), des mitochondries
allongées s’accolant parfois
aux
précédents (Fig.34), du réticulum
endoplasmique
granulaire,
des ribosomes libres, des microtubules parallèles au
grand axe
cellulaire
ainsi que des dictyosomes
épars bourgeonnant de petites
vésicules.
Ces dernières donnent naissance à des lysosomes complexes
pouvant
atteindre une grande taille.
|
|
Fig. 33 - Noyau géant et grains de sécrétion. | Fig.34 - Sécrétions fibrillaire et homogène |
En, enveloppe nucléaire avec ses nombreux pores - L, grain lipidique - M, mitochondrie - N, noyau -R, réticulum endoplasmique stellaire -S, grains de sécrétion fibrillaire (Sf) et homogène (Sh) (© A.Lopez M.E.T.) |
4 -
Commentaires
4.1- Sur le plan anatomique,
l'appareil séricigène de Kaira alba est
catactéristique d'une Araneoidea. Il comporte en
effet des glandes
agrégées et flagelliformes
réunies en unités fonctionnelles (triades), ainsi que 3
paires de glandes
tubuliformes,
comme chez les Araneidae,
les Linyphiidae et les Theridiidae (Kovoor,1972,1977
a, b ; Lopez,1980; ; Lopez,1982).
L' appareil
séricigène
de
Kaira alba est
également typique d'une Araneidae (Kovoor,1972,1977a)
par
sa composition et la structure générale des
catégories glandulaires (Lopez,1980).
Les ampullacées majeures
et mineures ont en effet un réservoir
corporéal fuselé,
montrant deux catégories
d'adénocytes , et
un tréslong canal
qui inverse plusieurs fois son trajet en se coudant. Les aciniformes sont globuleuses,
ne comportent qu'une seule catégorie
cellulaire mais appartiennent à deux types, A et B, comme dans la plupart des
genres d 'Araneidae. De
même, les piriformes
ont un corps
régulièrement
bipartite, tel qu'il se présente chez les autres membres de la
même
famille,, les Cyrtophora exceptées (Lopez1982).
Toutefois, les
4 glandes agrégées
ont subi une transformation extraordinaire
affectant la partie
proximale de leur corps : les coussinets à cellules
géantes sont
sans équivalent dans tout l’ordre des
Aranéides (Araignées), Araneidae compris, par leur
structure et leur ultrastructure. Les modifications de
l’appareil
séricigène
auquel ils participent, font notamment
défaut chez Celaenia
et Mastophora qui capturent
aussi des Lépidoptères mâles mais sur un mode différent. En
revanche, ces Mastophorinae
sont équipés d’un “tissu
folliculaire endocrinoïde"
abdominal, indépendant des glandes
à soie (Lopez,1985a;
Lopez,1985b; Lopez,1998a
;
Lopez,1998b). En revanche, la partie distale
du corps des
mêmes glandes
agrégées conserve un
épithélium
qui est propre, dans la famille, à cette catégorie
glandulaire
(Kovoor,1972).1972,
Par ailleurs, les 2 glandes flagelliformes
montrent une réduction
spectaculaire, réduction qui doit être
liée étroitement à la transformation des
agrégées,
ces deux
catégories glandulaires constituant des
“triades” indissociables. Elle place Kaira dans une
position
intermédiaire entre la majeure partie des Araneidae, où
les flagelliformes ont un
développement normal, et les genres Cyrtophora
et Mecynogea, où elles
ont disparu en totalité (Lopez,1982 ;
Lopez,1988)
avec les agrégées.
4.2- Sur
le
plan phylogénique et
bien qu’appartenant à une même famille (Araneidae), le
genre Kaira est considéré comme
s’inscrivant dans
une lignée évolutive distincte
de celle desMastophorines (anatomie
externe,
usage de la soie, mode d’attraction des proies), ce que confirme
définitivement la transformation spectaculaire des
agrégées en glandes botryoïdes.
En revanche, la conception rapprochant étroitement Kaira des Metepeira sur la base d’une tache ventro-abdominale blanchâtre, de genitalia et d’un crochet coxal (P I) qui leur seraient communs (Levi, 1977 ; Levi & Coddington, 1983) ne trouve aucun fondement en anatomie interne : les appareils séricigènes sont trop dissemblables; contrairement à Kaira, les Metepeira ne montrent pas de dimorphisme sexuel gnathocoxal mais possèdent en revanche des glandes segmentaires remarquablement développées (Lopez,1983b) (Note 2).
4.3- Sur le plan fonctionnel, les flagelliformes et agrégées modifiées (glandes botryoïdes) n’élaborent plus la spirale visqueuse caractéristique des orbes conventionnelles (Araignées “orbitèles”), ici disparues, mais sans aucun doute le “zigzag” attirant les papillons mâles, le fil central de ce dernier étant formé par de la soie des flagelliformes, et son mince enduit blanchâtre, par la sécrétion des botryoïdes.
En ce qui concerne les 4 autres
catégories de glandes
séricigènes (Lopez,1985a
; Lopez,1986),
elles fournissent la soie du “ trapèze ”, des fils de
rappel (ampullacées) et
de leurs interconnexions ou fixations
sur le support (piriformes) ;
elles permettent à Kaira
d’emmailloter ses proies comme les autres Araneidae (aciniformes) et
fournissent enfin le tissu des cocons ovigères (tubuliformes).
Etant
donné la complexité
structurale des glandes botryoïdes et la varialilité
d’aspect des coussinets gigantocellulaires, l’enduit blanchâtre
des “zigzags” est vraisemblablement formé par plusieurs
composants chimiques. De plus, les adénocytes géants
montrent, par leur ultrastructure, quelques points communs avec
les cellules productrices de phéromones chez les Insectes
(Noirot & Kennedey, 1974
; Percy, 1974 ; Nielsen, 1979 ;
Weseloh,1985), tout en gardant des caractères de glande
séricigène atypique (sécrétion d’un
matériel rappelant les “fibres tubulaires” observées dans
la glande mixte d’Araignées Scytodes).
Le mélange
des composants de l’enduit formerait un sémiochimique (allomone)
s’apparentant étroitement aux phéromones
d’Hétérocères femelles et attirant leurs
mâles par "duperie" ou mimétisme chimique.
Des études en chromatographie gazeuse (Stowe) semblent bien le
confirmer.
4.4 - Sur un plan zoologique
plus général, les glandes
aggrégées botryoïdes de Kaira alba
représentent l’une des 8 découvertes arachnologiques les
plus marquantes présentées dans ce sous-site, avec
la glande acronale (ex
clypéale) et le prétendu "appareil
stridulatoire" des Argyrodes, le dimorphisme
sexuel maxillaire,
les glandes segmentaires
(dont
la rétrognathocoxale), la structure fine du tube
séminifère
contenu
dans
le palpe, les spermatophores
des Telemidae et le tissu
endocrinoïde
abdominal des Mastophorinae.
Note
1: Laboratoire
souterrain du CNRS, Moulis 09200 : fixation des parties
étudiées au
glutaraldéhyde à 2,5% dans un tampon au cacodylate,
post-fixation
au tétroxyde d’osmium à 0,2% dans le même tampon
;
inclusion dans le Spurr ; coupes fines au microtome Reichert OM U2
contrastées
par l’acétate d’uranyle et le citrate de plomb ; examen de
ces
coupes au microscope Sopelemus sous
50
KV. .Travail effectué avec Lysiane Juberthie-Jupeau,
directeur
de recherches au CNRS, et ses collaboratrices.
Levi,
H.,1977 - The orb-weaver genera Metepeira , Kaira, and Aculepeira
in America north of Mexico (Araneae: Araneidae). Bull. Mus. Comp. Zool
., 148 (5), p. 185-238 .
Lopez,A.,1985a (avec
M.K.Stowe). –
Observations sur quelques Araignées
excentriques du Nouveau Monde et leurs glandes à soie. Bull.
Soc.Et.Sci.nat. Béziers, 10, 51, p.16-23.
Lopez,A.1986 (avec
L. Juberthie-Jupeau et M.K.Stowe). – L’appareil
séricigène de Kaira alba (Hentz). Mem.Soc.roy.
belge d’Entomologie, 33, p. 119-128.
Lopez,A.,
1998a.- L’origine des odeurs attractives de Papillons et de
Diptères mâles chez certaines Araignées exotiques
(genres Kaira, Mastophora et Celaenia :
Araneidae) : une approche histologique. Bull. Soc.Et.Sci.nat.
Béziers, 17, 58, p.9-24.
Lopez,A.,
1998b - Le mimétisme sexuel phéromonal des
Araignées Kaira,Mastophora et Celaenia
(Araneidae), prédatrices des mâles de
Lépidoptères nocturnes: une approche histologique. IV eme
Conf.intern.francoph.entomol., Saint-Malo,5-9 Juillet 1998, 22eme
com.(8 juillet). Res.in Section 7 (Entomophages).
LIENS
EXTERNES :
https://www.european-arachnology.org/esa/wp-content/uploads/2015/08/119-128_Lopez.pdf
https://www.researchgate.net/publication/278713170_Aggregate_Silk_Gland_Secretions_of_Araneoid_Spiders
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