Cyrtophora citricola




Index



CYRTOPHORA   CITRICOLA 
(ARANEIDAE)

CONSIDERATIONS  GENERALES

(ANATOMIE - HISTOLOGIE - TOILE - COMPORTEMENT)
 
ET 
 PRESENCE  DANS  LE  BITERROIS (OCCITANIE : LANGUEDOC)

(Version 2024)

par
André Lopez, auteur
 


Article figurant, en partie, dans le
Bulletin n° 35 de la Société d' Etude des Sciences naturelles de Béziers (année 2023, p.12-20)


Couleurs conventionnelles
      En noir (ou kaki) et italiques, termes anatomiques ; en violet,, noms génériques et spécifiques ; en marron, noms vernaculaires, non linnéens ; en vert, noms de familles et sous-familles ; en kaki, termes biochimiques ou se rapportant à  la soie ; en bleu foncé, liens ; en  orange,, parties les plus importantes et résumés.


VOIR AUSSI CYRTOPHORA ANNEXE (en construction)


    I- Considérations générales : Les Cyrtophora
          1- Phylogénie

          2- Distribution géographique
          3 -Description
          4 -Comportement et toiles
             4a- Toiles
             4b- Cocons ovigères
             4c- Appareil séricigène

             4d- Capture des proies
             4e- "Décorations" ("stabilimenta")

     II- Présence dans le Biterrois
              5-Eté 2018
              6-Eté 2019
              7-Eté 2021
              8-Eté 2022
              9-Eté à  hiver 2023

     III- Ailleurs en Occitanie

     IV- Phylogénie
     V- Conclusion


 
I -
Considérations générales

 

Egalement connue sous le nom d' "araignée tropicale à  toile de tente", Cyrtophora citricola ( Forskal , 1775) a été découverte  par Peter Forskal  dans la péninsule arabique lors de son expédition au Yémen, entre 1761 et 1763.  Il a d'abord vu cette araignée dans les agrumes et a décrit sa toile horizontale comme un filet ou une « toile de tente tropicale » (Fig.1) d'ou son appellation vernaculaire.



Cyrtophora toile élémentaire
Fig.1 - Toile  en "tente" caractéristique de Cyrtophora, Canaries. N, nappe à  mailles carrées, non gluante - Rs, réseau supérieur - Ri, réseau inférieur "- A : araignée qui se tient sous le moyeu et n'a pas encore tissé de cocons ovigères.


Le nombre de ses dénominations successives est impressionnant : Aranea citricola - Epeira opuntiae -Epeira cactus-opuntiae -Epeira citricola -Epeira emarginata -Epeira flava -Epeira purpurea -Epeira dorsuosa -Cyrtophora sculptilis -Cyrtophora opuntiae -Epeira cajetana -Araneus citricola -Cyrtophora dorsuosa


Mieux vaut l'appeler "Cyrtophore de l' Opuntia" en language vernaculaire car ce Cactus est un lieu d'élection pour sa toile (Fig.45 et suite).

L'étymologie même de "Cyrtophora
" peut prêter à discussion.

1 - Phylogénie


Cyrtophora citricola appartient à la famille des Araneidae dans la sous-famille des Cyrtophorinae que caractérise une toile orbiculaire non adhésive, la structure du bulbe palpaire mâle (/www/araignee/araignee%20palpe.html) et un dimorphisme sexuel marqué rappelant celui de trois autres sous-familles à  savoir les Argiopinae, les Gasteracanthinae et les Micratheninae.

2 - Distribution géographique

Cette espèce, la seule  de son genre, se rencontre en Macaronésie, en Afrique, au Moyen Orient, en Asie et en Australie, ainsi qu'en Europe du Sud, îles comprises. Suite à  des introductions, elle a été également observée dans les Caraïbes, au Brésil et en Floride.

Sur le territoire français, elle est présente à  La Réunion et en Corse ; elle est attestée dans le Var et signalée à Marseille et sur la Côte d'Azur. Pour la première fois en Occitanie (2018),  l'auteur l'a identifiée dans une haie de Pyracantha aux Brégines, près de Béziers (Languedoc-Roussillon: Hérault), où la Professeure Monique Clavel-Lévêque avait repérée sur des toiles d'araignée inhabituelles.


3 - Description


L'araignée est sexuellement dimorphe comme d'autres Araneidae (dimorphisme sexuel volumétrique). Les femelles peuvent atteindre 20 millimètres de long et sont donc sensiblement plus grandes que leurs homologues mâles mesurant en général 3 à 4  millimètres.

La forme de l'abdomen  ou opisthosoma de la femelle est caractéristique (Fig.2 et 3). Il présente en effet six tubercules dorso-latéraux très nets, soulignés par des taches blanches et, en outre, deux autres postérieurs simulant une bifurcation horizontale. L'ensemble de la couleur abdominale est variable, de beige chez les individus  clairs au noir anthracite chez les foncés, couleur qui pour certains pourrait changer en fonction de l'environnement en assurant un camouflage, chez Cyrtophora cicatrosa par exemple (Fig.5). Le mâle "pygmée" (Fig.4), particulièrement petit par rapport à  la femelle (dimorphisme sexuel volumétrique) et seulement  pourvu de deux tubercules à  l'extrêmité de l'abdomen, est sombre et uniforme de sorte que, ne tissant pas de toile de capture et vivant dans celle de la femelle, il y  est facilement confondu avec des débris tombés de la végétation ambiante.


Cyrtophora Tenerife
Cyrtophora Tenerife 2
Fig.2 - Femelle en vue postéro-latérale, sur sa toile à  mailles paraissant carrées.Ténérife (©A.Lopez). Fig.3 - La même en vue postérieure
Ténérife (©A.Lopez).


Cyrtophora mâle
Fig.4 - Mâle nain, vue dorsale. Les palpes et leurs bulbes  copulateurs sont visibles sur le céphalothorax, de part et d'autre des yeux, au bas de la figure

4 - Comportement et toiles

Les toiles sont construites dans la végétation sur les lieux de passages d'insectes, mais parfois aussi dans l'habitat humain et autres édifices, par exemple entre les fils de téléphone (obsv. personnelles aux Seychelles : Cyrtophores et Néphiles). Des agrégations sont possibles et fréquentes, les araignées menant alors une vie sub-coloniale.

Très grande et d'architecture complexe, la toile de Cyrtophora citricola est complètement dépourvue de spirale adhésive définitive comme chez les autres Aranéides de la même famille (Araneidae), ne conservant que la spirale provisoire. Les corollaires de cette particularité sont évidents dans les coupes histologiques de l'appareil séricigène dont les diverses catégories de glandes à  soie existantes élaborent tous les autres matériaux de l'édifice, les cocons ovigères ainsi, par ailleurs, que les fils peu nombreux que tisse le mâle.  


4a - Toiles

Du point de vue structural, chacune d'elles est un édifice soyeux tridimensionnel complexe, très proche de celui du genre Mecynogea, rappelant à première vue la construction habituelle des Linyphiidae, fort dissemblable de l'orbe classique tissée par les "Epeires" et les "Argiopes", de ce fait "aberrant" dans la famille des Araneidae surtout composée d' Orbitèles typiques. Il est totalement dépourvu de fils gluants et comporte une nappe horizontale de pourtour arrondi que soutiennent deux réseaux irréguliers, sus et sous-jacents formés par des fils barrière ou d'interception (pour les proies). La nappe est formée d'innombrables radii (jusqu'à plus de 200) et d'un fil spiral de type "provisoire",sans gouttelettes visqueuses, donc non adhésif. En se croisant, ces fils constituent un tissu robuste, avec des jonctions en quantité extraordinairement élevée et dont les petites mailles paraissant "carrées" ou d'aspect plus ou moins losangique par étirement  (Fig.2,3,11,18,33,34), en fait trapézoïdales sont si fines et si régulières qu'elles évoquent la structure d'un filet à  plancton (Lubin, 1973 C.moluccensis). Le tissu s'incurve en dôme inversé, coupe ou en "entonnoir" surbaissé, à concavité supérieure, à pourtour plus ou moins festonné par la tension qu'exercent les fils  de suspension . Cet édifice est unique chez la plupart des Cyrtophora, mais peut être aussi multiple (Kullmann, 1964) comme dans le cas de Cyrtophora cicatrosa, cette autre espèce du Sri-Lanka (Fig.5),  construisant deux nappes superposées évoquant un peu des "entonnoirs" emboités. Il arrive aussi que Cyrtophora citricola abandonne sa première toile et en tisse juste au-dessus une nouvelle, les deux édifices étant ainsi superposés.
En fait, la meilleure comparaison que l'on puisse faire pour une orbe horizontalisée aussi pariculière est celle d'"un plateau de balance ordinaire"  dont les chaînes seraient remplacées par les fils tenseurs de suspension, les réseaux supérieur et inférieur de fils d'interception entrecroisés complétant la mise en place et la stabilité de l'ensemble. A nôter que le "plateau" est centré par une brève évagination ascendante en "tunnel" qui correspond au cl
assique "moyeu" de toute toile orbiculaire d' Aranéidae et permet à Cyrtophora de passer d'une face à l'autre de sa nappe.   (annexe Cyrtophora)

Cyrtophora cicatrosa
Cyrtophora purpurea
Fig.5 - Cyrtophora cicatrosa. Femelle sous une nappe. Polonnaruwa (Sri-Lanka)(©A.Lopez). Fig.6 -Cyrtophora purpurea. Femelle dans sa retraite de feuilles. N'Gouja, Mayotte(©A.Lopez).



 Le mâle pygmée n'a en revanche qu'une activité séricigène réduite se limitant au tissage d'un petit réseau irrégulier pour son repos, de la toile spermatique et du "fil de cour" ("Balz-Faden") dans les préludes de l'accouplement (Blanke, 1972,1974). Toutes ces structures sont fixées sur la propre toile de la femelle.

Cette dernière, adaptée aux milieux ouverts et exposés aux intempéries, remplit plusieurs fonctions (Kullmann, 1958 ; Lubin, 1973) : abri pour l 'Araignée qui se tient sur la face inférieure du dôme, généralement au moyeu, ventre en l'air et dans des attitudes variées, véritable nasse conçue pour la capture d' Insectes volants qui heurtent les fils-barrière du réseau irrégulier supérieur, sont ainsi projetés sur le dôme ou "toile réceptrice", saisis à  travers ce tissu par la Cyrtophora qui les mord avec ses chélicères et emmaillote enfin de soie selon une technique rappelant celle des Araneus et des Argiope.
En outre, elle est un lieu de stockage des débris de proies, de matériel de camouflage (fragments végétaux divers tombés dans la toile) et même de réserve hydrique, abri unique pour le tissage et la conservation des cocons ovigères.

 Il est à  noter que la toile est souvent encombrée de feuilles mortes sous lesquelles l'araignée peut occasionnellement abriter son premier cocon et que dans le cas de Cyrtophora purpurea (La Réunion, Madagascar, Mayotte), l'une d'elles, incurvée avec de la soie, lui sert habituellement de retraite (Fig.6). 

De plus, du moins sous les Tropiques, elle est habitée presque constamment par des ArgyrodesTheridiidae inquilins pratiquant le cleptoparasitisme (Fig.87).
C. citricola repose généralement avec toutes ses pattes sous son corps lorsqu'il ne surveille pas ses sacs d'oeufs et utilise divers mouvements pour détecter les intrusions et les proies  .


4b - Cocons ovigères (Ovisacs)


Ils ont une structure,un  tissage et une mise en place particuliers (Kullmann, 1958)
. Mesurant de 12 à 20 millimètres de diamètre, ils présentent une forme circulaire, plan-convexe (Fig.7), et une coloration variable allant du blanc pur au brun-verdâtre ou bleu-vert. Par superposition ,et parfois en nombre, jusqu'à 10 d'affilée (Fig.8), ils se disposent en chapelets  axiaux,  droits ou incurvés, au-dessus du moyeu de la nappe. Chaque cocon peut renfermer entre 100 et 200 oeufs, verdâtres en ellipses plats, leur nombre dépendant de divers facteurs environnementaux, y compris la disponibilité de nourriture..La femelle se tient juste au-dessous du chapelet ou, du moins, du cocon encore unique, et ventre en l'air, pattes fléchies, tend à  se confondre avec le  dernier des ovisacs.  Il a été noté que les femelles solitaires peuvent produire jusqu'à  20 % d'oeufs de plus que celles vivant en colonies, la réduction du grégarisme pouvant être due à  une meilleure protection contre les parasites et à  une prédation réduite. 
Les jeunes sortant des cocons (Fig.14,38,39) se dispersent 
et construisent ensuite leurs propres toiles vers le quatrième jour, soit diretement parmi les réseaux de celle de la mère  ou dans le voisinage (Fig.25).

4c - Appareil séricigène

Son ensemble anatomique a été étudié sur le plan de l' histologie et décrit ainsi, pour la première fois, par Jacqueline Kovoor et André Lopez (1982). Sa composition explique la structure insolite de la toile : il comporte 5 catégories de glandes.

L'ampleur de l' édifice  soyeux a pour corollaire un grand développement des glandes ampullacées et l'absence complète de spirale adhésive, celle des glandes agrégées et flagelliformes, donc de l'unité ou triade fonctionnelle qui est à  l'origine de la dite spirale captrice des toiles. Il parait très probable que ce manque de glandes soit un caractère dérivé et non pas primitif présent chez les Cyrtophora des deux sexes, adultes et immatures. En revanche, si une même absence de glandes est observée, selon Kovoor, chez tous les adultes du genre Pachygnatha (Tetragnathidae) qui ne construisent plus de véritables toiles, leurs jeunes ont en revanche un équipement glandulaire permettant la construction d'édifices orbiculaires complets (Martin,1978)

Les réseaux et surtout la nappe à  mailles très fines comportent des jonctions fil à  fil dont le nombre élevé doit être en rapport avec l'abondance des glandes piriformes, en beaucoup plus grande quantité que chez les autres Araneidae : les solides jonctions rayons-substrat et autres fils secs-substrat, assurées par la soie la plus adhésive, issue des glandes de type a ; les jonctions rayons-spirale provisoire, plus fragiles, formée par la soie moins adhésive des glandes de type b, à  petit collet (Fig.88).

Il s'ensuit que le cas des Cyrtophora est probablement l'un de ceux qui montrent avec le plus de clarté les corrélations étroites entre la structure des toiles et la composition de l'appareil séricigène.

La soie d'emmaillotage des proies est fournie par les glandes aciniformes qui ressemblent beaucoup, par leurs formes, caractères histochimiques et proportions relatives des deux catégories (A=90%, B=10%) à  celles des Araneus et Argiope, Araignées utilisant une même technique d'enveloppement contrairement aux Nephila.

La soie des cocons est produite par les glandes tubuliformes dont la troisime paire est sans nul doute à  l'origine du pigment brun qui teinte fréquemment ce tissu, comme dans le cas d' Argiope lobata et d'une manière générale, chez toutes les Araignées confectionnant des cocons ovigères au moins partiellement colorés.

La superposition des cocons ovigères en une structure linéaire, éclatante de blancheur sous certaines incidences d'éclairage et visible à  distance, n'est pas sans rappeler le stabilimentum des Argiopes, dispositif présumé défensif contre les prédateurs, entre autres hypothèses. Elle se retrouve aussi bien dans le Biterrois qu'en d'autres points du littoral méditerranen et en milieux tropicaux ou subtropicaux (Fig.8,9,14,17,20,22,23,41).


Il est déjà à  souligner que C. citricola ne doit pas être confondue, surtout par sa toile et son chapelet de cocons avec Mecynogea lemniscata, une araignée néotropicale dont Lopez et Kovoor (1988) ont également étudié l'appareil séricigène pour le comparer avec celui des Cyrtophores (1982)

 
Cyrtophora et deux cocons
Cyrtophora et chapelet de 8 cocons, Mahé
Fig.7- Cyrtophora citricola et deux cocons, Ténérife (©A.Lopez). Fig.8 - Cyrtophora citricola (flèche) et chapelet de 8 cocons colorés, Mahé, Seychelles(©A.Lopez).

 

4d - Capture des proies


C. citricola capture ses proies dans la partie haute de la toile où, en volant, elles sont rabattues sur la nappe par les fils obliques supérieurs, dits barrière, sans  être engluées puisque la soie visqueuse y est absente.
Ces proies sont variées :
Lépidoptères, Mouches, Orthoptères, Libellules, Pentatomides et Coléoptères.
L'Araignée, positionnée en permanence au centre de la toile, ventre en l'air, est alertée par les vibrations, localise la proie par des tractions rapides sur les fils avec ses pattes antérieures ("web  jerking") et la capture ensuite selon un processus comprenant quatre étapes ou séquences conditionnées par le type de proie capturée : morsure de la proie avec les chélicères injectant leur venin ou enveloppement de soie ; traction de la proie à  travers la nappe, sectionnée si nécessaire ;  transport jusqu'au centre de la toile avec les chélicères ou enveloppée dans de la soie ;  consommation en ce point.

Le taux de proies par individu est relativement faible et peut amener les araignées à  se regrouper, celles qui vivent dans des agrégats sociaux étant  plus efficaces que les araignées solitaires pour capturer leur nourriture.

4e - "Décorations"

Le 24 Juin 2024, l'auteur  a découvert  sur une première toile, la présence de rubans soyeux irréguliers accolés à la face supérieure de sa nappe, par dessus les mailles carrées, et qui, à  sa connaissance, n'avaient encore jamais été signalés chez Cyrtophora citricola. Par leur éclatante blancheur et une disposition en zigzag, ils ne sont pas sans évoquer les "décorations" et, en quelque sorte, le "stabilimentum" d' autres Araneidae.  Voir Fig. 21

Cyrtophora ajout 1
Cyrtophora ajout 2

Fig.A - "Décoration" sur une toile de Cyrtophora
(34, Colombiers)

Fig.B - Détail

C, mailles "carrées" bien visibles - M,  mue - N, nappe - R, retraite (feuille morte) - S, "décoration" en soie.



Décoration 1
Décoration 2



Fig.C (double de la Fig. 21) "Décoration" sur une autre toile de  Cyrtophora (Béziers)
Fig.D - "Décoration" sur une autre toile de  Cyrtophora (Ensérune-Nissan)



D, "décorations" - N, nappes





Or, avec les observations récentes de Kerr (2023),  à peine évoquées par Walter (2024) ils'avère qu'au moins trois autres espèces  du genre incorporent dans leur toile des "décorations" de soie : Cyrtophora cylindroides (Walckenaer), C. ikomosanensis (Bosenberg & Strand) et C. moluccensis (Doleschall 1857). Les femelles de ces taxons  disposent des rubans de soie zigzagants, isolés ou multiples, de forme arquée, en boucle ou en spirale, souvent centrés par le moyeu de la toile.Les juvéniles et les mâles installent  des flocons de soie disséminés  dans les fils barrière du réseau inférieur.  Toutefois, il s'agit là d'espèces strictement asiatiques de sorte que les observations de l'auteur sont les toutes premières concernant Cyrtophora citricola, araignée rappelons le ,cosmotropicale (îles et pourtour du Sud méditerranéen, Afrique, Moyen Orient, Océan Indien, îles atlantiques), s'étendant aujourd'hui à l' Amérique (Colombie, Floride...) tout comme dans le Midi de la France...


II - PRESENCE DANS  LE BITERROIS

5 -Eté 2018

Comme mentionné plus haut, l'auteur a découvert Cyrtophora citricola en 2018 dans un parc (Pr.Clavel-Lévèque) situé aux "Brégines" (Lieu-dit "Les terres volées") dans une haie de Pyracantha, en bordure de garrigue. Une toile de très grande taille (Fig.9,10,11), centrée par un beau chapelet de cocons et à  nappe montrant des mailles "carrées" éminemment caractéristiques et d'une grande beauté (Fig.11), était construite au milieu des arbustes


cyrtophora 2018a
Cyrtophora 2018 b
Fig.9- Toile de Cyrtophora dans un Pyracantha, " Les Terres volées, Les Brégines"  Vue d'ensemble.  Cc, chapelet de cocons -  N, nappe - Ri, réseau inférieur - Rs, réseau supérieur - T, toile de jeune. A.Lopez,2018
Fig.10- Toile de Cyrtophora dans un Pyracantha, " Les Terres volées, Les Brégines"  Détail : les mailles "carrées"  sont déja  perceptibles dans la nappe (N). CC, chapelet de cocons- N, nappe. A.Lopez,2018



Détail toile Cyrtophora
Fig.11 - Mailles "carrées" et non visqueuses de la nappe. Détail plus poussé.


 Cyrtophora a été observée ensuite par Francis Marcou , le même été, installée sur un Yucca (Fig.12 à 14), près de la Nationale 9.113 (route dite "de Narbonne") et de la "Palmeraie", toujours à  proximité de Béziers. De petites Araignées (en anglais : "spiderlings", terme euphonique) sortaient des  cocons supérieurs (Fig.14) pour s'émanciper.


Cyrtophora Marcou 2018
Cyrtophora Marcou 2
Cyrtophora Marcou 3
Fig.12 - Cyrtophora femelle sous ses cocons, tenant une proie entre les pattes. Prés Nationale 9.113 Béziers-Narbonne.  F. Marcou, 2018
Fig.13 - La même, en vue latérale droite
Fig.14 - La même sous l'extrémité de son chapelet de cocons. Des jeunes ("spiderlings") sont déja  sorties des cocons supérieurs.



6 - Eté 2019

Elle a été retrouvée par A. Lopez dans le même biotope, l'année suivante (2019) pendant la canicule de Juillet , soit plusieurs individus dont une grosse femelle sous son premier cocon abrité  par  une feuille (Fig.15), cette présence montrant que des jeunes avaient bien hiverné pour se réinstaller ultérieurement sur les Pyracantha. 

Cyrtophora sur son cocon 2019
Fig.15 -Grosse femelle, en vue dorso-latérale gauche, et le premier de ses cocons abrités par une feuille fixée au réseau supérieur de la toile." Les Terres volées, Les Brégines" , 2019.


7 - Eté 2021


Deux ans plus tard (2021), soit après l' acmé de la pandémie de COVID 19, Cyrtophora a été retrouvée à  nouveau par A.Lopez dans le même lieu, donc à  proximité de Béziers : 3 femelles soit une immature et deux adultes avec leur chapelet de cocons et des jeunes qui en étaient issues. La toile de l'une des adultes était fixée cette fois entre une haie de Laurines et des touffes de Rouvet (Osiris alba) faisant partie de la garrigue adjacente (Fig.16 à  18). L'autre avait été tendue sur des Sauges d'ornement (Fig.20 à  22).


Cyrtophora 2021 ensemble
Cyrtophora 2021 femelle sous cocons
Cyrtophora 2021 b
Fig.16 -  Toile entre haie et rouvet. CC, chapelet de cocons - N, nappe - Rs, réseau supérieur."Les Brégines", 2021.
Fig.17- La même, détails. Flèche : araignée sous ses cocons,  en vue latérale gauche.
Fig.18 - La même, détails. Flèche : araignée en vue latérale gauche. N, vue très partielle de la nappe avec ses mailles "carrées".

 A noter que les grandes toiles servent de support à  celles des jeunes immatures et même d' Uloborus (Uloboridae) à cocons fuselés et anguleux caractéristiques (Fig.19).



Uloborus 1
Fig. 19 - Cocon d'Uloborus en marge d'une toile (réseau supérieur) de Cyrtophora


 

Cyrtophora 2021 autre femelle a
Cyrtophora 2021 autre femelle b
Cyrtophora 2021 autre femelle avec couvain
Fig.20 - Autre Cyrtophora (flèche) établie sur des sauges,  sous son chapelet de cocons (Cc). F, feuille - Rs, réseau supérieur.
 A.Lopez,2021

Fig.21 - La même, isolêe : détail. Vue ventro-latérale droite.
N, nappe
Fig.22 - Autre vue d'ensemble montrant le chapelet de cocons (cc) d'où sont sorties de petites araignées ("spiderlings" : flèches rouges). F, feuilles tombées dans le réseau supérieur.


8 - Eté 2022


En Septembre 2022, Cyrtophora était toujours présente aux Brégines, dans la même "niche"
écologique, toujours en bordure de garrigue  : deux adultes avec leurs cocons ovigères en chapelet  (Fig.23,24) et une proie desséchée (Cigale) ainsi que des jeunes ("spiderlings"), ayant essaimé et construit leurs petites toiles déjà  élaborées (Fig. 25)


Cyrtophora cordon de cocons
-Cyrtophora sur toile
Cyrtophora toiles jeunes 1
Fig.23 -Toile de 2022, avec chapelet de cocons ovigères
Fig.24 - Araignée au centre, en vue postéro-ventrale, sur la nappe de sa toile à  mailles "carrées"
Fig.25 - Groupe de toiles de petites Cyrtophora, situées au-dessus de l'édifice mère, vues à  contrejour


9 - Eté à  Hiver 2023


Enfin, toujours dans le Biterrois et le 10 Aout 2023, André Lopez a découvert par hasard une première Cyrtophora à Colombiers, 34440, dans son propre jardin où la toile , haute d'environ 1 m et large de 60 cm (Fig.26) était installée entre une petite haie d' Eleagnus, cultivés, et un vieux massif de Fragon (Ruscus aculeatus) provenant de la garrigue. L'araignée avait une couleur d'ensemble blanc-jaunâtre (Fig.) avec des zones ventrales violacées (Fig.18) et ne pouvait absolument pas être confondue avec Araneus diadematus et surtout Argiope bruennichi, l' "Epeire fasciée" (Fig.36), toutes deux à  toiles orbiculaires verticales, gluantes, également présentes dans le voisinage.   

Généralement installée à  la face inférieure de la nappe, à  mailles carrées (Fig.33,34), elle y a capturé de petits Diptères indéterminés  et construit deux cocons blanc-grisâtre circulaires dans un alignement  de débris végétaux (feuilles mortes) lui servant de retraite au repos (Fig.19 à  21). Inquiétée, elle se refugiait parfois dans les arbustes environnants (Fig.17) et regagnait ensuite sa toile.    


Toile Cyrtophora Colombiers
Fig.26 - Toile de Cyrtophora solitaire dans le jardin de l'auteur entre des Eleagnus, à  gauche, et un Fragon, à  droite.
N, nappe - R, retraite - Ri, réseau inférieur - Rs, réseau supérieur



Toile 1
Toile 2
Cyrtophore 3
Fig.27 - Autre vue d'ensemble
Fig.28 - Autre vue d'ensemble Fig29. - Retraite et araignée, détails
N, nappe - R, retraite - Ri, réseau inférieur - Rs, réseau supérieur N, nappe - R, retraite - Ri, réseau inférieur - Rs, réseau supérieur C, Cyrtophora , en vue antérieure- R, retraite




Cyrtophorsous sa retraite
Cyrtophora détail
Cyrtophora 2
Fig.30 - Cyrtophora (C), vue latérale gauche, contre sa retraite (R). Fig.31 -Détails de la précédente
Fig.32 - Cyrtophora  est en vue postérieure



Mailles Colombiers 1
Mailles Colombiers 2
Fig.33 -  Détail des mailles "carrées" de la nappe Fig.34 - Même vue en négatif




Cyrtophora détail 2
Argiope
Fig.35  - Cyrtophora sous sa nappe, en vue latérale droite
Fig.36 - Argiope fasciée ou de Brunnich, en vue dorsale. Même jardin

Des cocons est sorti tout un essaim de jeunes ("spiderlings") qui se sont dispersés dans la végétation environnante.

Cyrto cocons Fig.19
Cyrto jeunes Fig.20
Cyrto, jeunes Fig.21
Fig.37 - Cyrtophora sur sa retraite  composite au dessus du moyeu  de la nappe.  Les jeunes n'ont pas encore "émergé" des cocons.  Fig.38 - Face opposée du groupement précédent. Femelle en vue ventrale.
Fig.39 - Autre photo à contre-jour. La femelle est  vue de profil
C, cocons -  Fc, Cyrtophora femelle - J, araignées juveniles ("spiderlings") sorties des cocons en "essaim" - N, nappe -R, retraite  - Rs, réseau supérieur




Plus tard, à  la mi-Septembre mais loin de la précédente, côté Canal du Midi, l'auteur a découvert d'autres toiles, passées jusque là inaperçues et d'un abord très difficile, du fait de leur installation en hauteur, dans un fouillis inextricable et vulnérant de Berberis cultivés, ronces, lierre, et lauriers tin. Plus ou moins superposées et interconnectées, elles formaient un ensemble sub-colonial atteignant les 3m de haut avec leurs fils tenseurs (Fig.40).  Des Araignées, leurs retraites de feuilles mortes, cocons isolés ou en chapelets  (Fig.41) y étaient discernables mais très difficiles à  photographier.



Ensemble de toiles 1
Ensemble de toiles 2
Fig.40 - Ensemble de toiles sub-colonial. T, nappes sur différents niveaux. Fond végétal : Berberis, ronce, Laurier-tin.
Fig.41 - Deux toiles superposées. A, araignée dans sa retraite - Cc, chapelet de cocons. Fond végétal : Laurier-Tin en fruits et ronce.


Le même ensemble était encore présent en Décembre, assez bien conservé malgré sa pleine exposition aux intempéries : pluies (rares), froid et surtout grands vents qui soufflent en quasi-permanence dans cette région. Par phénomène de "condensation", les nappes, évidemment désertes,  s'étaient rapprochées les unes des autres (Fig..42,43), tout en restant encore bien reconnaissables (Fig.43). Leur ensemble globuleux paraissait suspendu dans la végétation, amarré par des longs fils de tension ayant conservé leur intégrité, un exemple remarquable de l'extrême solidité de la soie aranéidienne....


Toile Cyrtophora Décembre 2
Toile Cyrtophora Décembre 3
Fig.42 - Groupement des mêmes toiles au début de l' Hiver
Fig.43 - Détail du groupement  : nappes  déshabitées mais encore reconnaissables

En revanche, la toile solitaire, déshabitée après
la mort de l' Araignée (fin Octobre) qui n'a plus procédé au "nettoyage" (enlèvement des débris végétaux inutiles) s'est encombrée de feuilles mortes et a  pris pour l'hiver un triste aspect "loqueteux" (Fig. 44) persistant en Février 2024.


ToileCyrtophora Décembre
Fig.44 - Retraite et toile collabée surchargées de feuilles mortes. Eleagnus, à  gauche, et Fragon, à  droite (Fin Décembre 2023).
 Comparer avec la Fig.37.


L'année suivante (Mars 2024), l'auteur, visitant le  sud de la colline d' Ensérune (proche de son domicile) pour y photographier à  nouveau l' Anagyre fétide, a longé plusieurs massifs d' Opuntia (" Figuier de barbarie", "Oponce", "Nopal") devenu subspontané en ces lieux où il fut initialement transporté, sur divers talus, à  une époque imprécise, dans un but ornemental  et (ou) pour en consommer les fruits (Fig.45,46).

Opuntiae 1
Opuntiae 2
Fig.45 - Population d' Opuntia ficus indica, vue de l'est, détail. Colline d' Ensérune.
Fig.46 - La même, en totalité, vue de l'ouest. Colline d' Ensérune.


Dans l'un des "Cactus", il remarqua les vestiges d'une toile collabée, comportant peut être un cocon (Fig.47), malheureusement inaccessible  sans section d' articles ou cladodes ("raquettes") et qui pourrait fort bien avoir été tissée en 2023 par une Cyrtophora dont l'espèce vivrait alors en ces lieux. Un proche avenir devait confirmer cette présence.

Nopal 1
Fig.47 - Emplacement de toile (T) entre les cladodes d'un Opuntia ficus indica, colline d' Ensérune (Nissan)


Le matin du 12 Mai 2024, le Dr. Maguy Lopez-Laurès, épouse de l'auteur, eut l'heureuse surprise de découvrir, une nouvelle fois dans leur jardin colombiérain, une Cyrtophora femelle immature dans sa petite toile caractéristique tendue sur des arbustes d'ornement (Rosier, Laurines)(Fig.48 à  51).


Cyrtophora jardin 2024 a
Cyrtophora jardin 2024 3
Fig.48 - Toile de Cyrtophora installée dans la végétation arbustive. Colombiers, Mai 2024.
Fig.49 - Une partie de cette toile et Cyrtophora en vue postéro-dorso-latérale droite y consommant une victime emmaillotée de soie.
C, Cyrtophora - N, nappe en dôme - P, proie - Ri, réseau inférieur -Rs, réseau supérieur où une fleur de Mélia, tombée dans la toile, donne l'échelle.


Cyrtophora jardin 2024 7
Cyrtophora jardin 2024 5
Fig.50 - Cyrtophora, de contour anguleux avec ses tubercules, ventre en l'air, en vue latérale gauche et ensemble de proies photographiées à  contrejour
Fig.51 - Détail de la Fig.49 : portion du dôme où le croisement des radii et du fil spiral non adhésif forme des mailles "carrées" d'une remarquable régularité.
C, Cyrtophora - P, proies et (ou) leurs débris, plus ou moins enveloppés de soie - J, zone où les mailles "carrées" se détachent particulièrement bien sur le fond végétal.



Cyrtophora jardin Juin
Fig.52  - Même araignée  en vue  postéro-dorsale et proies ou leurs restes.  A droite, Diptère Syrphide suspendu dans le réseau.
C, Cyrtophora avec ses taches blanches - N, nappe - P, proies - Ri, réseau inférieur - Rs, réseau supérieur.



Cyrtophora jardin 2024 8
Cyrtophora jardin 2024 9
Fig.53 - Même araignée en vue dorsale avec ses tubercules et leurs marques blanches. Elle est installée au moyeu de la nappe.
Fig.54 - Même araignée en vue dorso-latérale avec ses tubercules et leurs marques blanches. Elle vient de muer. L'exuvie est scindée en deux.
C, Cyrtophora - D, débris de proies - N, nappe - Ri,réseau inférieur - Rs, réseau supérieur - U, Mue ou exuvie en deux parties


Cyrtophora jardin 2024 10
Cyrtophora jardin 2024 11
Fig.55 - Cyrtophora suspendue sous une feuille morte qu'elle a horizontalisée en "toit" dans le réseau supérieur
Fig.56 - Les mêmes, autre vue
C, araignée - F, feuille - P, proie- Rs, réseau supérieur



Dans l'après-midi du même jour (12/5/2024) , l'auteur
revint à  la grande population de Nopals. Cette visite confirma la présence, déjà  en grand nombre, des toiles composites de Cyrtophora opuntiae, méritant, ici plus qu'ailleurs, un binôme linnéen qui souligne son tropisme mondial pour cette Cactacée-support emblématique (Fig.53 à 56).

Cyrtophora Ensérune 2024 1
Cyrtophora Ensérune 2O024 2
Cyrtophora Ensérune 2024 3
Fig. 57 - Toile tissée entre plusieurs cladodes ou articles d'un même pied.
Fig. 58 - Autre toile exposée après la section d'un cladode
Fig. 59 - La même, autre vue. L' occupante est discernable (C).
C, araignée Cyrtophora - N, nappe incurvée subhorizontale - Ri, réseau irrégulier inférieur - Rs, réseau irrégulier supérieur


Les édifices soyeux, pour la plupart de taille encore réduite (Fig.57 à  59) se composaient invariablement d'une nappe à  mailles carrées et des fils tenseurs formant deux réseaux irréguliers,
supérieur et inférieur. Elles abritaient - pour autant que leur approche ne soit interdite par les redoutables glochidies hérissant les cladodes ou articles - des araignées à  différents stades,  reconnaissables avant tout  aux tubercules de leur abdomen et ayant parfois construit une retraite (Fig.56).

Cyrtophora Ensérune 2024 exc.
Fig.60 - Détails d'une toile avec sa retraite et de l' Araignée siégeant, au moyeu,  sous cet abri
C, Cyrtophora - N, nappe en dôme à  mailles "carrées" et dont le "moyeu" est occupé par l'araignée - R, retraite formée de soie et débris divers - Rs, réseau irrégulier supérieur

Plus loin vers l'est et toujours sur le versant sud de la colline d'Ensérune, à proximité de la route ascendante qui conduit au célèbre Musée homonyme, d'autres Nopals ont été examinés ultérieurement par l'auteur
deux semaines plus tard, soit le 26 Mai 2024.
Il s'agit de massifs
espacés sur talus et en bordure de sentier (Fig.61,62), appartenant à  l'espèce précédente, ainsi qu'à Opunthia humifusa, moins haut, plutôt rampant, bardé de très longues épines et abondamment fleuri en cette période de l'année (Fig.62).

Opuntiae 3
Opuntiae 4
Fig.61 - Massif d' Opuntia ficus indica
Fig.62 - Massif d' Opuntia humifusa
Trop petites encore, les toiles ne sont pas perceptibles à distance

 Tous étaient occupés, sans exception, par des toiles, encore petites mais en trés grand nombre (Fig.63 à 65), presque au ras du sol sur Opuntia h
umifusa, souvent haut perchées et difficilement accessibles sur l'autre espèce, cette position rendant leur photographie difficile et aléatoire (Fig.65).
 

Cyrtophora Ensérune 2 A
Cyrtophora Ensérune 2 B
Cyrtophora Ensérune 2 C
Fig.63 - Toile installée entre des cladodes, vue d'ensemble
Fig.64 - Même toile, vue très  partielle :
détails

Fig.65- Araignée sur sa toile "entre ciel et terre"
C, Cyrtophora - N, nappe - P, débris de proies - Ri, réseau inférieur - Rs, réseau supérieur - T, toile (nappe) à  peine discernable

Moins d'un mois plus tard, les toiles, sensiblement plus grandes et superposées, étaient déjà perceptibles à distance sur les mêmes
Opuntia ficus indica, alors très fleuris (Fig.66,67) un tableau insolite et quasi tropical sur le Canal du Midi et Nissan lez Ensérune en "toile" de fond !.

Cyrtophora Ensérune 20D
Cyrtophora Ensérune 20 E
Fig.66 - Même massif d' Opuntia ficus indica, fleuri, que dans la Fig.61
Fig.67 - Autre vue
Les nappes des nombreuses toiles( T )sont bien visibles


Toujours dans le jardin d' A. et M.Lopez,  d'autres toiles sont apparues : à  nouveau, dans la haie de Berbéris et autres arbustes sus-mentionnés (Fig 40,41),  en agrégat (Fig.....) comme celles qui les avaient précédées, par ailleurs, en ce début Juillet 2024, d'une manière quasi "explosive", sur les supports végétaux arbustifs les plus divers (Rosiers, Laurines, Genévrier, Escalomnia etc...). L'ensemble de ces observations sera réuni avec celles à venir sur la colline d' Ensérune (Nopals) dans une annexe de Cyrtophora citricola

Cyrtophora 2024 Berberis 1
Cyrtophora 2024 Berberis 2
Fig.68 -  Nouvel ensemble de toiles sub-colonial, en 2024. Il a succédé à celui des Fig.42 et 43.
Fig.69 - Détails (un peu flous) de l'une des toiles.
 C, Cyrtophora avec points blancs sur fond noir -  N, nappes - T, fils tendeurs d'amarrage.  Fond végétal : Berberis, ronce, Laurier-tin.


Mais le comble vient d'être découvert par l'auteur en pleine ville de Colombiers
(9 Juin 2024), loin de  toute végétation  et sur des constructions humaines lui rappelant ce qu'il a observé jadis dans une lointaine contrée tropicale  : une vaste toile installée au vu de tous (à condition de la repérer et de ne pas être aranéophobe !!) entre une boîte à  lettres publique  et  un abri d'arrêt  d'autocar où s'insèrent les réseaux irréguliers et les fils de suspension (Fig.70 à 72) . Etant donné son emplacement, la toile commence à être encombrée de débris divers, d'une poussière de plus en plus abondante et, malgré la présence de cocons début Juillet, a un avenir...incertain avec l'approche de fêtes estivales en ce même lieu !
L'araignée devait effectivement disparaître en
Août 2024 lors de ces réjouissances ...!


Cyrtophora Colombiers 1
Cyrtophora Colombiers 3
Cyrtophora Colombiers 2
Fig.70 - Totalité de la toile dans un cadre urbain inattendu
Fig.72 - Détail : retraite, araignée
Fig.71 - Autre vue d'ensemble
Abri de car, à  gauche ; Boîte aux lettres à  droite ;  Avenue de Béziers et villas  au fond -C, Cyrtophora - N, nappe - R, retraite - Ri, réseau inférieur - Rs, réseau supérieur

Quelques dizaines de mètres plus loin, de l'autre côté de la place dite "du Millénaire", deux autres Cyrtophora ont été découvertes le 24 Juin,  tout près de la célèbre "Cave du Château", cette fois dans la végétation puisque leurs
toiles superposées, l'une pourvue d'un chapelet de cocons, avaient été tissées sur un agave très robuste (Fig.72 à 76), autre végétal affectionné par l'Araignée. Elles devaient être détruites en Août par des festoyeurs...!

Agave toile 1
Agave toile 2
Agave toile 3
Fig.72 - Toile et chapelet de cocons sur un agave. La femelle n'est pas visible.
74 - Jeunes Cyrtophora sortant des cocons (à plus fort grandissemen)t  et "décoration" possible
73 - Détails du chapelet et sortie de jeunes ("spiderlings")
C, cocons - Cc, chapelet de cocons - Dn (?), décoration possible - J, jeunes araignées -N, nappe - Ri, réseau  inférieur - Rs, réseau supérieur

Agave toile 4
Agave toile 6
75 - Autre toile sur l' Agave  : Cyrtophora, vue postérieure.
76 - La même : Cyrtophora, vue postéro-latérale gauche.
A, araignée - C, premier cocon - N,nappe - R, retraite (feuille morte) - Ri, réseau  inférieur


Le Biterrois doit être largement concerné puisque Francis Marcou a  retrouvé 
une Cyrtophore sur un Yucca de son jardin à Cébazan, non loin de St Chinian (Fig.88) et que Mme Blavier signale l'espèce à St Thibéry.



III - Ailleurs en Occitanie


Parallèlement, il est à  signaler qu'en Août 2019, deux femelles avec cocon ont été découvertes par Paul Bonfils sur une bougainvilée dans un jardin de Sète (Hérault, Occitanie), constituant ainsi la deuxième mention pour la région après la découverte de l'été 2018. De plus, également en Août 2019 , huit femelles avec cocon et toiles ont été observées par Thomas Sygiel, dans une même haie de cyprès, sur le littoral occitan à Saint-Cyprien. L'année suivante (10 Novembre 2020), Francis Marcou a encore rencontréCyrtophora citricola dans l' Hérault, mais cette fois à  Montpellier même, sur des Yuccas, dans le parc de l' Hopital Lapeyronie  : deux toiles et une femelle sous son cocon. En Août 2024, le même chercheur a découvert Cyrtophora à Cébazan, au nord de Béziers, établie sur un Yucca de son jardin (Fig.88, annexe Cyrtophora). De plus, en ce mois d' Octobre 2024 , la présence occitane de Cyrtophora vient d'être signalée hors de notre département, cette fois dans le Gard, à Beaucaire et  à Nîmes (Hentz, com.personnelle et site lien externe 1)

IV - Phylogénie

Dans le monde immense de l'ordre des Araignées (Araneae), le genre Cyrtophora Simon (45 espèces) n'est pas le seul taxon qui édifie des toiles composites dont la partie horizontale en nappe plus  ou moins incurvée (dôme ou cuvette) présente des mailles d'aspect "carré" singulières.
Trois autres genres, tous américains, ont un comportement analogue : Manogea Levi,1997 avec trois espèces dont M. porracea (Fig.77 à 82), Mecynogea Simon avec 9 espèces dont Mecynogea lemniscata (Fig.83,84) et Kapogea Levi, 1997, incluant 4 espèces (Fig.85,86) ("Tent web" ou "basilica spiders" des Américains). Une étude histologique portant sur les deux premiers genres (Lopez et Kovoor, 1988) a montré que Manogea porracea (ramenée de Guyane et  identifiée à tort par l'auteur ("Mecynogea guianensis": Fig.77 à 80) ne possède comme Cyrtophora que 5 catégories de glandes à  soie, tandis que Mecynogea lemniscata en possède une sixième : des glandes agrégées, certes rudimentaires mais indéniables. Leur présence pourrait expliquer une certaine viscosité de la toile observée par des auteurs américains et dont pourraient être responsables d'infimes globules perceptibles, à trés fort grossissement, sur le fil spiral aux quatre angles des mailles (Fig.78)

Manogea porracea (Mecynogea guyanensis )1
Manogea porracea (Mecynogea guyanensis ) 2
Manogea porracea (Mecynogea guyanensis) 4
Manogea porracea (Mecynogea guyanensis)3
Fig.77 - "Mecynogea  guianensis", en fait Manogea porracea.Toile,  vue d'ensemble  
Fig.78 - "Mecynogea  guianensis", en fait Manogea porracea.Toile,  vue partielle  
Fig.79 - "Mecynogea  guianensis", en fait Manogea porracea.Toile,  autre vue partielle 
Fig.80 - "Mecynogea  guianensis", en fait Manogea porracea.Toile,  autre vue partielle 
C, cocons ovigères - Cr, mailles carrées visibles - F, femelle -J, jeunes sortis d'un  cocon - M, mâle -N, nappe en dôme - Ri, réseau de fils inférieur - Rs, réseau supérieur
A noter que le dimorphisme sexuel volumétrique
de cette espèce est bien moins marqué que dans le cas de Cyrtophora, les deux sexes cohabitant comme des Linyphia (Linyphiidae) (Fig.77).De plus, comportement rarissime chez les Araignées,  le mâle prend soin de la progéniture, gardant les oeufs et les jeunes.

D'après des diapositives obtenues dans la pénombre du sous-bois en forêt primaire dégradée, au Mont Cabassou, près de Rémire-Montjoly, Guyane française (©A.Lopez, Juin 1982)


Manogea porracea mâle 5
Manogea porracea femelle 6
Fig. 81- Manogea porracea (ex Mecynogea  guianensis), mâle, vue latérale gauche.
 (d'après R.Rio Mouras,Agència Fapesp)
Fig. 82  - Manogea porracea (ex Mecynogea  guianensis), femelle sur la nappe en dôme, vue dorsale
(d'après N.Bay, flickr.com, sans commentaire sur la toile)
A, araignée - C, mailles "carrées" particulièrement bien visibles - N, nappe - Rs, réseau supérieur



Mecynogea lemniscata 2
Mecynogea lemniscata 1
Fig.83 - Mecynogea lemniscata, vue d'ensemble de la toile
(d'après acbaker, bugguide.net, sans commentaire sur la toile)
Fig.84- Mecynogea lemniscata, détail de la nappe en dôme
(d'après  "Volcano", bugguide.net, sans commentaire sur la toile)
A, araignée sous le moyeu-  C, cocons - Cr, mailles "carrées" très apparentes -N, nappe - Rs, réseau supérieur

Kapogea 1
Kapogea 3

Fig.85- Kapogea sp., vue partielle de la toile, au moyeu
(d'après F.Reis-Costa,i.Naturalist NZ, sans commentaire sur la toile) 
Fig.86 -Kapogea sexnotata (?),  vue partielle de la nappe,
(d'après V.Rodrigues de Souza,i.Naturalist NZ, sans commentaire )

A, araignée - C, mailles "carrées" trés apparentes -N, nappe - R, retraite en feuilles mortes - Rs, réseau supérieur


V -Conclusion


L'espèce pantropicale Cyrtophora citricola, qui présente la particularité de "décorer" sa toile comme d'autres Araneidae orbitèles,  est donc présente en Occitanie où son extension sera facilitée par le réchauffement climatique. Il est même à  prévoir que des Argyrodes inquilins (Fig.87) fassent un jour leur apparition dans la toile de Cyrtophora, peut être depuis l' Espagne proche où l'auteur a observé ces Theridiides  dans le jardin botanique de Blanès et en a récolté des mâles pour étudier au microscope électronique leur glande acronale ou clypéale (Lopez, 2023).


Fig.56 - Argyrodes
Fig.87 - Argyrodes argyrodes sur toile de Cyrtophora. Femelle, vue latérale droite


Pour finir sur une remarque anatomique concernant à  nouveau l'appareil séricigène , rappelons que l'absence de triade (glandes agrégées et flagelliformes) qui le caractérise chez Cyrtophora et se retrouve dans au moins un  autre genre de sa lignée, Manogea, peut être aussi Kapogea (inexplorée sur le plan histologique) est l'une des variantes spectaculaires  de ce groupement fonctionnel chez les Araneidae. Symbolisée chez nous par les bien connues "Epeire diadème" et "Argiope fasciée" (Fig.36), la même famille d'exception inclue d'autres espèces exotiques, toutes américaines et à   moeurs extraordinaires où la triade offre en revanche des modifications anatomiques et physiologiques d'un tout autre  genre : les  Kaira et les Mastophora


BIBLIOGRAPHIE

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Lopez, A. & J.Kovoor, 1982 - Anatomie et histologie des glandes séricigènes des Cyrtophora (Araneae, Araneidae) : affinités et corrélations avec la structure et la composition de la toile. Revue Arachnologique, vol. 4, p. 1-21.


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& J. Kovoor, 1988  -  L' appareil séricigène des Mecynogea Simon (Araneae, Araneidae). Rev. Arachnol., 7 (5), p. 205-212.


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  Walter, A., 2024 - The function of web decorations in orb web spiders. Front. Arachn. Sci., 03 April . Sec. Arachnid Ecology and Behavior Volume 3 - 2024



Mailles Cyrtophora 1


Fig.88 - Mailles de la nappe à trés fort grandissement (F.Marcou : Cébazan, nouvelle station)



LIENS  EXTERNES: 1 - : http://www.naturedugard.org/index.php?recherche=





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